
Valentine, une ado en crise d’une famille décomposée, a fugué. La grand-mère, friquée et autoritaire, charge Lucie, une jeune détective privée, de la retrouver et de la ramener au bercail. Lucie, qui n’a jamais fait que de la surveillance, s’adjoint les services de La Hyène, une autre enquêtrice privée, bien plus aguerrie au terrain qu’elle ne l’est. Toutes les deux partent à la recherche de Valentine. Avec « Apocalypse Bébé », Virginie Despentes pose les jalons de ce que sera « Vernon Subutex », dans la forme comme sur le fond. D’ailleurs, le personnage de La Hyène apparait déjà dans ce roman, et il aura une place prépondérante dans la saga. Dans la forme, elle offre des très longs chapitres, changeant de points de vue à chaque fois, et c’est autant d’occasion de se lancer dans des portraits au vitriol, dans des discours flamboyants (et jamais consensuels), mais le souci est que cela fait assez peu progresser l’intrigue. OK, on cherche Valentine, on rencontre ses amis, sa mère, sa belle-mère, son cousin et tous ces gens ont tendance à parler plus d’eux que de Valentine. Du coup, on se dit que cette gamine délurée a sans doute eu des raisons de fuguer, vu le peu d’intérêt que les autres lui portent ! Valentine, elle, on ne la rencontrera que dans les derniers chapitres, pour faire la connaissance d’une ado révoltée contre tout, sans vrais amis, sans amour, avec une vraie intelligence mais qu’elle ne parvient pas à mettre au service de quelque chose d’autre que sa solitude. Les derniers chapitres, où là en revanche il se passe beaucoup de chose, laisse un peu circonspect : on n’arrive pas à bien cerner les motivations de Valentine ni de celle qu’elle a rencontré au fil de son errance et qui donnera un sens à sa vie, pour le pire… Cela rappelle fortement la fin toute bizarre de « Vernon Subutex ». C’est évidemment magnifiquement écrit, et le moins que l’on puisse dire est que Despentes ne fait jamais dans la nuance et le politiquement correct (au point peut-être d’une faire une sorte de marque de fabrique), forcément parfois c’est écrit pour choquer, et parfois cela choque un peu, c’est vrai. Cette manière de faire dire des horreurs parois à ses personnages sans jamais les rendre vraiment antipathiques, c’est troublant… « Apocalypse Bébé » (j’adore le titre !) peut, pour ceux qui n’ont pas encore osé se lancer dans la grande saga Subutex, tenir lieu d’apéritif avant le festin.