Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Un point c'est (pas) tout

Un point c'est (pas) tout

Blog sur tout ce qui rend la vie plus chouette...


Eric Dupond-Moretti à la Barre : PMC de Strasbourg le 19 octobre 2019

Publié par Christelle Point sur 20 Octobre 2019, 08:46am

Les ténors du barreau en général, et Eric Dupond-Moretti en particulier, exercent sur moi une certaine fascination. La conception qu’il a de son métier, son idée très exigeante de la Justice et surtout son éloquence (je suis une amoureuse des mots et de leur pouvoir, en un mot, de la rhétorique) m’ont donné très envie d’aller voir ce spectacle intitulé sobrement « Eric Dupond-Moretti à la barre », sans trop savoir ce que j’allais voir réellement. Une compilation  de ses célèbres plaidoiries ?  Une sorte de one-man show ? Un cours magistral sur la Justice et le métier d’avocat ? En réalité, ce qui est proposé par le célèbre avocat en deux heures montre-en-main (et qui passent comme un éclair !) est à mi-chemin entre les deux derniers, à mi-chemin entre le one-man show et le cours magistral, avec juste l’extrait de sa plaidoirie dans la douloureuse affaire Merah. Après avoir évoqué son enfance, son milieu d’origine et ses débuts difficiles dans le monde des avocats, Dupond-Moretti passe en revue les différentes composantes du monde de la Justice et donne son sentiment professionnel et personnel sur leur rôle, celui qu’ils ont, et celui qu’ils devraient avoir selon lui. Alors tout y passe, ses collègues et leur truc (leur « tiroirs »), les juges du siège, les juges du parquet, les victimes, les avocats des parties civiles, la presse, les réseaux sociaux, les politiques. C’est l’occasion pour lui de faire trois choses à chaque fois ou presque, d’abord un état des lieux, souvent pertinent et sans concession, ensuite l’idée qu’il se fait lui, en tant qu’avocat et en tant que citoyen de leur rôle (parfois pertinent, parfois convaincant, pas toujours néanmoins) et puis en troisième lieu, ça lui donne l’occasion de régler quelques comptes ad-nominem au passage : Jean-Luc Mélenchon, Edwyn Plesnel, Eric Zemmour, Dieudonné… Sur ce dernier point, il joue sur du velours, c’est évident, ce genre de chose fonctionne toujours, Guy Bedos a fait quasiment toute sa carrière là-dessus ! Ce sont sur les deux premiers points que je voudrais insister. D’abord l’idée très exigeante qu’il se fait de la Justice Française. Sue ce point-là, il est dans son rôle d’avocat mais malgré tout, beaucoup de ce qu’il dit mérite qu’on s’y attarde. Il a une idée de la Justice et de son fonctionnement qui n’est pas forcément facile à admettre, et il dit des choses qui ne sont pas forcément facile à entendre, sur la place des victimes dans le système, sur le terrorisme (et à Strasbourg, le sujet est douloureux), sur le pouvoir médiatique et cette obsession de la transparence. Il nage à contre-courant sur ces sujets et je trouve que c’est tout à son honneur. Le point sur lequel il ne m’a franchement pas convaincu, c’est sur la fraude fiscale d’abord mais surtout sur le mouvement « me-too ». Il a sur ce phénomène l’avis d’un avocat masculin de plus de 50 ans, il a la nostalgie peut-être des baisers un peu forcés, des sifflements dans la rue et de la drague appuyée. Il voudrait que ce soient les tribunaux qui soient seuls chargé de réprimer les délits. Sauf qu’il n’a pas forcément compris que toutes ces choses ne sont pas des délits mais des sales habitudes machistes et que quand il s’agit de délits caractérisés, les plaintes sont classées ou même pas enregistrées. Sur ce sujet là, j’avoue, il m’a perdu en route. En revanche, quand il explique que les réseaux sociaux sont des poubelles à ciel ouvert ou l’avis d’un internaute lambda à autant de poids que celui d’un prix Nobel (citant Umberto Ecco), je ne peux qu’être 200% d’accord avec lui. Certain se demandent si mélanger le métier d’avocat et celui d’acteur est  bien normal, ce qui correspond à l’idée bien française qui veut que les gens soient dans des boites dont ils ne doivent pas sortir. Lui explique qu’il fait du théâtre comme des confrères à lui font du golf, comme un hobby : il ne l’a pas signalé mais il a déjà fait l’acteur chez Lelouch, et plutôt bien d’ailleurs ! Au regard de ses deux heures de spectacle hier, devant une salle presque pleine qui boit ses paroles, reconnaissons-lui ce talent là en plus de tous les autres. « Eric Dupond-Moretti à la barre » est un spectacle exigeant, qui bouscule les idées reçues, qui donne grandement matière à réflexion sur la Justice, ce qu’elle est  et ce qu’elle devrait être. On peut aimer le personnage ou pas, le trouver légèrement mégalo ou pas, personne ne peut lui dénier la connaissance intime du sujet, et une hauteur de vue qui fait du bien, à une époque qui en manque cruellement.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents