
« Fantasmë » (spectre en albanais) est le nouveau roman de Niko Tackian après « Toxique ». Même si on peut le lire seul, il y a quand même beaucoup de références à « Toxique », alors il vaut mieux le considérer comme sa suite directe pour bien en profiter. Le chef de groupe de la Crim’, Tomar Khan, traque dans ce second volume un tueur qui s’attaque violemment à la pègre, celle qui profite des migrants : aux trafiquants de stupéfiants mais surtout aux trafiquants d’êtres humains, les passeurs et les proxénètes. Khan, qui sait ce que représente la tentation de la justice expéditive et de la vengeance, doit malgré tout traquer ce spectre vengeur. Parallèlement, il continue de souffrir d’hallucinations et de cauchemardas, et ses dérapages antérieurs reviennent aussi le hanter, sous la forme d’un officier de l’IGS. Je trouve que ce second volume est plus réussi que « Toxique », sans doute que le personnage de Tomar Khan est mieux installé dans le paysage, qu’on est désormais plus en empathie avec lui (même s’il reste dangereusement borderline), et que l’intrigue réserve quelques bonne surprises, tout en restant douloureusement crédible. Le style de Niko Tackian est très agréable à lire, les chapitres sont courts et percutants, la progression de son intrigue est limpide. Il y a deux sous intrigues, celle relative à la santé de Tomar et celle relative à l’IGS. Toutes les deux biens dosées, pas envahissantes mais qui pèsent quand même sur le roman. Je regrette quand même que le personnage de Belko, le « bœuf carotte », soit une caricature, même si je comprends ce que cela apporte ne terme de suspens et de noirceur. Je me demande si un jour je tomberais sur un polar qui met en scène de façon positive l’indispensable IGS ? J’aimerais bien, là pour le coup, ce serait original. Le roman est court, mais en quelques pages seulement Tackian décrit une réalité bouleversante, celle des migrants, du trafic d’êtres humain, et du rôle ingrat de la Police dans la (non) résolution de ces problèmes. La Police de Tackian est plus humaniste que la caricature qui en est faite habituellement. Il y a du Olivier Norek chez Niko Tackian, est dans ma bouche c’est un beau compliment. J’apprécie également que Tackian ancre son récit fictif dan une actualité bien réelle, n’hésitant pas à évoquer tel vrai fait divers, telle vraie bavure supposée, tel réel fait ou déclaration politique dans son récit. Cela apporte beaucoup en termes d’impact et de crédibilité à son polar, on n’a pas l’impression de lire un roman qui se passe dans un pays et à une époque plus ou moins fictive, mal définie ou aseptisé. Après « Toxique », « Fantasmë » est la preuve qu’un auteur peut se bonifier très vite, et c’est sacrément prometteur pour la suite.