
Autant le dire d’entrée, « Entre Deux Mondes » est un roman noir monstrueux ! Il fait parti de ces polars qui haussent considérablement le niveau du genre et qui vous laisse groggy après le dernier chapitre, avec la certitude qu’il va vous hanter encore bien longtemps après cela… On suit le destin de deux hommes qui n’ont rien en commun à part leur profession : Adam est policier en Syrie, ennemi de Daech et ennemi de Bachar El Hassad, pris en tenaille dans pays devenu fou, il n’a d’autre choix que de fuir. Il envoie sa femme et sa fille en Lybie pour qu’elle traverse la Méditerranée avant lui. Lorsqu’Adam débarque enfin dans la jungle de Calais, il n’a qu’une ambition, les retrouver. Bastien, se son côté, est muté au commissariat de Calais et découvre cette jungle dont tout le monde parle. Ce qu’il découvre est bien au-delà de ce qu’il a imaginé et va bouleverser sa carrière, sa vie et celle de sa famille. Dés les 20 premières pages en Syrie, on sent que l’on tient là un polar hors du commun, qui va vous serrer le cœur. Tout le reste du roman, qui se situe dans la tristement célèbre jungle de Calais, confirme ce coup de poing initial. Olivier Norek propose un polar équilibré, jamais manichéen, jamais dogmatique (et sur un sujet comme celui là, c’est tellement difficile), un roman qui renvoie toit le monde à ses responsabilités : l’Etat, la police, les migrants, les policiers, l’ultra gauche tout en gardant toujours le sens de la mesure, de la complexité des choses. C’est un petit tour de force que reussit Norek. L’intrigue dite « policière » n’est n’en pas réellement une, il s’agit de suivre Adam et Bastien, (et Kilani et tous les autres) dans cet enfer et d’y trouver, au milieu de toute cette misère, de cette violence, de ce désespoir, un trait de lumière : le l’empathie, de la tendresse, de l’amitié même et qui sait, pourquoi pas de l’espoir... Le contraste entre ces sentiments tous simples et le contexte terrifiant en est d’autant plus fort. Très vite, on comprend que tout cela ne va pas finir par un happy end, c’est impossible. Et plus on avance dans le roman, plus en ralentit la lecture de peur de voir arriver cette fin désespérante que l’on redoute. Ca faisait très longtemps, depuis « Purgatoire des Innocent » de Karine Giebel, que je n’avais pas eu le cœur si serré en lisant les derniers chapitres de « Entre deux Mondes ». C’est écrit avec le talent que l’on connait à Olivier Norek depuis « Code 93 », c’est difficile de le lâcher. En immersion complète à la fois dans la jungle mais aussi dans le quotidien des policiers de Calais (et personne ne voudrait être à leur place), il est évident que Norek sait parfaitement de quoi il parle, qu’il maitrise son sujet et ne va certainement pas nous mener en bateau sur la question. Je ne saurais pas quoi dire de plus pour vous inciter à découvrir ce roman inoubliable, véritable uppercut en pleine face, qui vous donne un aperçu de cette jungle sur laquelle tout le monde a un avis si tranché, sans savoir vraiment ce qui s’y passe et sans connaitre vraiment ceux qui la peuplaient. « Entre Deux monde » est un roman noir comme vous n’en lirez pas souvent, qui bénéficie, cerise sur le gâteau, d’une bien jolie couverture.