
Original sur le fond comme sur la forme, le thriller de Wendy Walker est une très bonne surprise. Jenny, 15 ans, est sauvagement violée lors d’une fête lycéenne, par un inconnu dans le petit bois jouxtant la maison où se déroule la soirée. Pas de témoins, Jenny est inconsciente et ses parents, sous le choc, accepte que lui soit délivré sur le champ un traitement visant à effacer de sa mémoire l’agression. Remise physiquement, Jenny n’arrive pas à se reconstruire, obnubilée par ce trou noir et un an après les faits, elle tente de mettre fin à ses jours, sans succès. Il apparait évident qu’elle a besoin, par la thérapie, de recouvrer la mémoire de son agression pour aller de l’avant. Elle entame donc une thérapie avec Alan, psychiatre, pour reconstituer l’agression. Le narrateur du roman, et c’est la première originalité, n’est ni la victime, ni le coupable, ni les parents, ni la police mais le thérapeute qui soigne Jenny et aussi ses parents, témoin indirect (mais est-il si indirect que cela ?) de l’action et de l’enquête. Ils défilent tous dans son cabinet et racontent, se livrent, explorent leur passé, leurs failles. C’est là qu’intervient la seconde originalité, la psychiatre intervient dans la confection du puzzle, et son pouvoir est immense, par la suggestion, par la manipulation, il peut interférer, manipuler, voire même créer des impressions de déjà vu illusoires et orienter l’enquête. Un vrai professionnel serait ultra prudent mais le docteur Alan a des intérêts personnels qui vont venir brouiller les pistes et mettre sacrément à mal sa déontologie. Même s’il peut paraitre un petit peu ardu à lire, avec ses flash back, ses digressions dont on ne comprends pas immédiatement la pertinence et son langage un peu scientifique, le thriller de Wendy Walker est redoutable. La psyché, ses mystères et la façon dont on peut avoir une emprise sur l’autre juste avec des mots, des odeurs, des impressions, laisse songeur. Le traitement qu’évoque l’auteur n’existe pas (encore), mais on comprend très vite que l’Oubli, avec un O majuscule, n’est pas du tout la solution au syndrome post traumatique, au contraire. C’est une solution de facilité qui se retourne contre soi, façon bombe à retardement. Pour tout dire le roman de Wendy Walker fait froid dans le dos, plus par cet aspect manipulation mentale que par la cruelle banalité des faits et du crime subit par la jeune Jenny. Bien amené, à tel point qu’à 10 pages de la fin je n’avais aucune idée de l’auteur des faits et de comment les choses allaient tourner, le roman de Wendy Walker mérite le détour et pose des questions aussi fondamentale qu’angoissante sur le fonctionnement du cerveau et de la mémoire.