Le coin des livres : Hell.Com

Daniel Saul est immensément riche, immensément cynique et immensément détestable. Non content de faire des affaires et de brasser les millions sans s’encombrer se scrupules, il s’adonne à des soirées d’orgies, traite mal sa compagne, néglige son fils de 17 ans et ses parents. Lorsqu’un  ancien camarade de lycée lui parle d’un site du Dark Net, « Hell.com », qui permet d’assouvir ses phantasmes (mêmes les plus insoutenables) en toute impunité, Daniel ne résiste pas et s’abonne. Il y trouve rapidement des satisfactions avant de glisser doucement vers l’abject. Lorsqu’il se rend compte qu’il est allé trop loin, bien trop loin et que son fils Simon s’intéresse aussi au site, il décide de rebrousser chemin. Mais le chemin du retour est-il possible, une fois qu’on est descendu aux enfers ? Après « Le Vide », une chose est sure, Patrick Sénécal est un écrivain pour lecteurs très avertis. J’en ai lu des trucs ignobles et sordides dans les romans noirs de Maxime Chattam ou d’autres, mais là on atteint des sommets ! Si le personnage de Daniel Saul est assez comparable au « héros » de son précédent roman « Le Vide », à savoir un type ultra riche et ultra dénué de scrupule, accro aux sensations fortes et illégales, j’ai trouvé que le propos de « Hell.com », sur le fond était plus léger, dans le sens où il interroge moins le lecteur sur sa propre face sombre. Ici, pas de risque que l’on se sente des affinités avec un type aussi superficiellement détestable que Daniel Saul, et il faut attendre le dernier tiers du roman pour qu’il commence à trouver un peu grâce à nos yeux ! Si on a le cœur bien accroché et pas froid aux yeux, on tourne les pages de ce gros roman en se demandant jusqu’où Sénécal va aller trop loin. Je ne me prononce pas sur le réalisme de son propos, tant dans l’intrigue (que sais je de ce qu’on trouve sur le Dark Net, moi ?) ni sur la psychologie de se s personnages (que sais-je de la psychopathie en cols blancs ?), je peux juste dire qu’on finit par se laisser prendre dans l’intrigue, malgré une vraie répulsion initiale, sans doute grâce au style fluide et direct de Sénécal. Une fois le roman achevé, sur une note très ambivalente (ni happy end, ni fin  horrible, mais un peu des deux), on se sent quand même assez mal à l’aise d’avoir lu ce gros roman en y prenant un plaisir de lecteur, voire même un peu coupable de l’avoir trouvé efficace et prenant. Pour lecteurs très avertis, donc « Hell.Com » repousse les limites du genre, il faut juste le savoir avant de commencer, histoire de ne pas se sentir agressé par le roman de Patrick Sénécal, un écrivain qui n’a décidément peur de rien !