Le coin des livres : Le Manuscrit Inachevé

« Le manuscrit inachevé », c’est d’abord un roman en forme de poupées russes. C’est le titre du livre, mais c’est aussi le titre du livre dans le livre et le titre du livre dans le livre qui est dans le livre ! A mon avis, l’étape du milieu est superflue et n’apporte pas grand-chose à l’ensemble mais passons…  Si l’on veut résumer le cœur de l’intrigue,  nous sommes dans le cas classique de la double intrigue qui se rejoint aux 2/3 du récit. D’un côté un flic dans la région lyonnaise qui enquête sur un tueur en série nécrophile (oui, déjà, ça promet point de vue sordide !). De l’autre, une écrivaine de polars dans le Nord de la France dont la fille a été enlevée par un sérial killer mais jamais retrouvée et qui peine à faire son deuil, alors que son mari a lui sombré dans l’obsession de refaire l’enquête et de retrouver coûte que coûte la dépouille de sa fille. Avec « Le manuscrit inachevé », Franck Thilliez nous offre un thriller très réussi, dont il est difficile de décrocher et qui comporte son lot de rebondissements, de perversité, de coups de théâtre et un personnage de flic attachant, un peu torturé et hyper mnésique (sa mémoire retient tout, presque à son corps défendant, le contraire ne somme de son héroïne de « La mémoire fantôme ») ce qui est à la fois un atout et une faiblesse. Clairement la partie qui le met en scène lui et son équipe est la plus intéressante, même si elle est plus classique. De l’autre côté, un couple à la dérive qui est loin d’avoir surmonté le plus difficile en matière de souffrance morale, contrairement à ce qu’ils croient. Je regrette un peu des intrigues secondaires (celle du plagiat et du souvenir refoulé) qui sont peu exploitées et ne viennent finalement pas s’imbriquer dans l’histoire, comme une scorie finalement inutile. L’intrigue nous emmène flirter avec le milieu du bondage (c’est quelque chose que Thilliez a déjà traité, dans « L’anneau de Moebius » je crois),  et des sérials killers, là aussi un domaine déjà maintes fois traités. Il se recycle pas mal, mais quand c’est pour livrer un roman noir de cette qualité ça ne me pose pas de problème. L’intrigue est un tout petit peu tirée par les cheveux, reconnaissons-le, surtout dans son dénouement qui, si le contexte n’était pas si noir, pourrait presque porter à sourire ! On m’avait prévenu que la toute fin du livre était frustrante, inaboutie et de ce point de vue je n’ai pas été déçue, l’intrigue se termine sur un énorme point d’interrogation, finalement assez cohérent avec le titre du livre. Ca ne me gêne pas tellement, au final, je trouve que c’est même un petit peu gonflé de finir son intrigue comme il le fait, ça laisse le lecteur dans le même état de tension que tous les protagonistes du roman tout au fil des pages, ce qui est plutôt malin et efficace. Thilliez, est un romancier redoutable, ce n’est pas un hasard si c’est l’un des plus lu des amateurs de romans noirs, bon (bain de) sang ne saurait mentir !