
Mme Veuve Pontreau n’aime pas beaucoup son jeune gendre Jean Nallier : il n’est pas fortuné, il présente mal, ne sait pas se faire respecter de ses ouvriers agricoles et en plus, il est épileptique. Décidément, sa cadette méritait mieux, et lorsque Jean fait une crise dans un vieux bâtiment agricole, Mme Pontreau « l’aide » discrètement à chuter de plusieurs mètres et à se rompre le cou : problème réglé ! Mais peut-on vraiment être sur que personne n’a rien vu ? Un ouvrier agricole un peu fouineur, une femme de ménage un peu dérangée, père éploré décidé à trouver un coupable à son deuil, Mme Pontreau, qui supporte sans problème la culpabilité de son geste, doit néanmoins vivre avec la menace que quelqu’un ait vu quelque chose. Ce court roman de Georges Simenon nous emmène dans la campagne charentaise de l’après-guerre, où les vies sont rudes, où l’on règle les problèmes sans beaucoup d’états d’âmes et où les mères toxiques régentent la vie de leur fille. C’est essentiellement le portrait d’une femme fière mais sans le sou, qui ne perd pas son temps avec l’affection ou les sentiments, et qui finira par payer son crime, mais d’une façon détournée. C’est agréable à lire même si les transitions sont un peu ardues : on va à la ligne et on se retrouve avec un autre personnage à une autre époque, c’est déconcertant au premier abord, et puis on finit par s’habituer. De cette histoire toute simple de crime familial, Simenon tire non seulement le portrait d’une femme mais aussi d’un village français des années 50, replié sur lui-même, où tout le monde se connait, où tout le monde juge tout le monde, et aussi où, les jeunes femmes sont prisonnières de leur famille, parfois jusqu’à la mort. Mme Pontreau a trois filles et une emprise totale sur les trois, elle règle leur vie jusque dans les moindres détails, décide de tout, régente tout : une femme forte, une mère écrasante. Des trois filles, deux finiront par lui échapper, de deux façons brutales et différentes, la troisième semble partie pour devenir le clone de sa mère. Cette famille dysfonctionnelle, ce crime quasi gratuit et sans états d’âmes, cette absence étrange de remords, cette justice qui ne cherche pas très loin les réponses à ses questions, tout nous parait étrange, décalé et anachronique et pourtant, « Le Haut mal » respire surement le vrai d’une autre France d’une autre époque !