
Huit nouvelles composent ce recueil, huit nouvelles à lire séparément, sans les enchainer car ce sont huit histoires très noires, presque sordides et pour tout dire, un peu plombantes ! Mieux vaut respirer entre chaque et ne pas lire le livre en une seule fois, ça fait trop, trop de noirceur, trop de désespoir et de pessimisme ! J’aime énormément Karine Giebel et je sais dans quoi je mets les pieds à chaque fois et à chaque fois, elle me cueille comme une fleur avec ces personnages, ses intrigues, son univers sombre. Giebel touille le fin fond de l’âme humaine et toute la vase remonte à la surface, il faut le savoir avant de se lancer : harcèlement moral, harcèlement scolaire, viol, erreur judiciaire, psychose, mariages arrangés, extrême précarité, euthanasie, elle explore tout le panel de l’ombre et du silence. Point commun (à peu de choses près) de toutes ces histoires courtes : les violences faites aux femmes. A l’image de la nouvelle qui ouvre le recueil « Aleyna », il ne faut pas plus de trois paragraphes pour camper une situation, une détresse, une solitude et pour deviner que tout va mal finir, et que ce sera implacable. Des huit nouvelles, la plus proches de ce qu’elle propose en roman est sans doute « J’ai appris le silence » où elle reprend ses thème favoris : l’enfermement, les rapports de force, les notions floues de justice, d’injustice, de rédemption aussi. Pour apprécier « D’ombre et de Silence » et au-delà toute l’œuvre de Giebel, il ne faut pas avoir peur et avoir un moral en acier trempé, et je ne suis pas certaine que ce recueil soit le meilleur moyen de « rentrer » dans son travail, car c’est vraiment très dur à lire, non pas sur la forme mais sur le fond. Néanmoins, comme d’habitude c’est passionnant dés les premières pages, les personnages sont souvent attachant (et Dieu sait qu’on ne devrait pas s’attacher à eux pourtant...), leur psychologie complexe, fouillée, terriblement humaine et tout est malheureusement crédible, hyper crédible, douloureusement crédible. Comme tous les recueils de nouvelles le défaut de celui-ci est d’être un peu inégal, des nouvelles ultra fortes comme « Aleyna », « L’intérieur », « Ce que les blessures laissent au fond des yeux » ou « J’ai appris le Silence » côtoient des nouvelles moins puissantes comme « Aurore » ou « L’Homme en noir » et même quelques décevantes comme « le Printemps de Juliette » ou « L’été se meurt ». A condition de savoir dans quoi on met les pieds, « D’Ombre et de Silence » peut se lire rapidement, par petites touches, et confirme tout le bien que je pense depuis des années de cet auteure de romans noirs qui nous emmène au bout du cauchemar à chaque fois.