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Un point c'est (pas) tout

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Critique cinéma : Paranoïa

Publié par Christelle Point sur 14 Juillet 2018, 15:06pm

Sawyer Valentini a mis 700km entre son harceleur et elle, à cause de lui elle a quitté Boston, sa famille et son travail pour le fuir, malgré l’ordonnance d’éloignement. Mais Sawyer continue de voir David Strine partout, elle ne parvient pas à reconstruire sa vie sociale et privée, elle va mal et contacte un centre psychiatrique, pensant trouver l’oreille attentive d’un professionnel pour l’aider. Au lieu de ça, elle se retrouve internée dans un établissement qui fraude les assurances santé et, comble de l’horreur, David Strine est là, infirmier sous le nom de George Shaw. Mais est-ce bien Strine qui l’a suivi ou bien son esprit qui vacille ?

 

Steven Soderbergh livre, avec « Paranoïa », un petit thriller des familles relativement efficace sur le fond et assez étonnant dans sa forme. On a l’impression d’être devant un téléfilm : le film est cadré de façon inhabituelle (avec deux bandes noires sur les côtés, comme les anciennes TV carrées), l’image fait très cheap, et avec la bande son un peu décalée, un peu dissonante, cela donne une impression assez bizarre mais qui concoure à donner à « Paranoïa » une couleur particulière, celle de l’authenticité. En plaçant sa caméra dans des endroits étranges, comme au plafond ou au ras du sol, derrière un buisson ou en contre plongée, Soderbergh nous livre un long métrage qui sonne comme un documentaire, on a presque par moment l’impression de la caméra cachée. Forcément, cela est fait pour ajouter à la paranoïa du sujet, comme le scénario nous laisse un long moment dans le flou entre réalité et psychose, le format très particulier du film ajoute à cette angoisse latente qui existe dans tous les films qui traitent de la folie. J’aime bien cette option un peu minimaliste car d’habitude, les thrillers usent et abusent des effets sonores, de la musique criarde, des plans léchés. Ici, même si Soderberg doit se plier à quelques règles du genre (l’arrière plan qui fait peur, le rebondissent du « méchant qu’on croit qu’il est mort mais en fait pas tout à fait », etc…), il le fait à sa manière. C’est sur, c’est surement un peu décevant pour les amateurs de grand spectacle et de films d’angoisse mais moi, je trouve que c’est bien aussi parfois de présenter quelque chose de différent, avec un peu plus de personnalité. Pour rester dans cette optique, Soderbergh ne fait pas appel à des stars Il offre à Claire Foy le rôle titre. Elle est très convaincante en femme perturbée, que l’on imagine être au début une victime parfaite mais dont la personnalité s’avèrera plus complexe, moins lisse au fil des minutes. Joshua Léonard est un acteur qui a une bonne tête et que l’on imagine mal dans la peau d’un psychopathe et c’est précisément pour cela qu’il fait très peur, dans le rôle (phantasmé ou pas ?) du harceleur complètement cinglé, capable de tout derrière son image de nounours. Des seconds rôles bien castés et parfaitement tenus, par Amy Irving ou Jay Pahroah, complètent un casting intelligemment construit. Seul entorse à cette règle, une apparition surprise d’une grande star, un habitué du cinéma de Soderbergh à qui il offre le rôle bref d’un spécialiste de la sécurité. Il faut deux minutes montre en main à cet acteur pour faire du spécialiste de la sécurité le second type le plus flippant du scénario ! En fait, les gens qui font fond de commerce de le peur ont tout intérêt à vous effrayer au lieu de vous rassurer, c’est une évidence ! Le scénario joue, pendant une bonne moitié du film, avec l’ambiguïté de la situation : Sawyer a-t-elle des visions ou bien son harceleur l’a-t-il réellement suivi jusque dans cet établissement psychiatrique ? Cette ambigüité, qui fonctionne bien, aurait gagné à être exploitée plus longtemps et un peu plus finement qu’elle ne l’est. Il est évident qu’une fois qu’on a compris ce qu’il en était vraiment, le film perd en intérêt, il arrête de mettre mal à l’aise pour se concentrer sur l’aspect thriller du sujet. Il devient donc à partir de son milieu moins intéressant et plus conventionnel. Néanmoins, il serait exagéré de dire qu’on s’ennuie, qu’on voit arriver les rebondissements et qu’on ne vibre pas avec une certaine angoisse à la mésaventure de Sawyer. Sans vouloir trop en dire sur la paranoïa (Vraie ? Supposée ? Un peu des deux ?) du personnage de Sawyer Vanlentini, on peut quand même remarquer que le film évoque aussi autre chose, c’est la question de l’internement d’office et des arnaques que le système d’assurance santé américain suscite. La jeune femme cherche de l’aide, on la pousse à évoquer le suicide, on lui fait signer des tas de papier et là voilà internée pour 24 h ou 7 jours, au frais de l’assurance santé et sans aucune justification médicale. L’escroquerie est tellement simple, tellement basique qu’elle sonne immédiatement vraie. C’est la patiente Valentini, à son corps défendant, qui injecte un grain de sable dans cet engrenage mafieux qui aurait pu perdurer très longtemps. C’est cet aspect là du scénario que je trouve le plus pertinent et presque, le plus angoissant ! Pour ce qui concerne le principal de l’intrigue, on ne peut pas trop en dire évidemment. Le film choisit son camp à la fin de la première heure, il suffit juste d’une image pour que l’on comprenne et à partir de là, on rentre dans un autre film, efficace aussi mais qui place le curseur de la folie à un autre endroit… Flûte j’espère que je n’en ai pas trop dit ! La dernière scène est assez conventionnelle pour un thriller psychologique, elle essaie de boucler la boucle en laissant le spectateur sur une note de malaise, c’est assez peu original mais ça fonctionne, alors je valide… D’une manière générale, je valide le dernier Soderbergh dans sa forme particulière comme sur le fond, j’émets juste le petit regret de ne pas avoir vu un scénario plus bluffant, plus ambigu, plus malsain encore que ce qu’il est. Les premières scènes sont remarquables d’ambigüité et de malaise, elles laissaient entrevoir un tout peu plus que ce qu’on obtient final.

 

La bande annonce de "Paranoïa"

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