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Un point c'est (pas) tout

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Critique cinéma : Au Poste !

Publié par Christelle Point sur 8 Juillet 2018, 14:08pm

Le pitch fait penser à « Garde à vue » de Claude Miller, l’affiche fait référence à « Peur sur la ville » d’Henri Verneuil, deux polars de références aux styles diamétralement opposés. Mais derrière la caméra on ne trouve ni Claude Miller, ni Henri Verneuil mais Quentin Dupieux. J’avais beau ne jamais avoir rien vu de lui, je savais quand même que Dupieux ne pouvait pas produire un polar conventionnel. Or, il s’avère que ce que j’ai vu aujourd’hui n’est pas un polar conventionnel, ni même un polar tout court, ni sans doute un film normal. Ce que je viens de voir est ir-résumable, presque in-notable et très difficilement critiquable, bref, un sorte d’OFNI, « Objet filmé non identifié ».

 

Une nuit d’interrogatoire au poste pour Fugain, un type normal qui a eu la malchance de découvrir un cadavre en bas de son immeuble, une nuit d’interrogatoire menée par un flic obtus, dans un commissariat étrange, et qui débouchera (peut-être) sur une vérité toute simple, ou horriblement tirée par les cheveux, ou un peu des deux…

 

Même sans jamais avoir vu de film de Quentin Dupieux, je savais que c’était un adepte de l’absurde et du non-sens porté à son paroxysme. J’étais donc un peu prévenue mais aussi très curieuse de voir ce que « Au Poste ! » pouvait donner. Déjà, la bande annonce très décalée donnait le ton, mais ce n’est rien comparé à l’expérience cinématographique qu’il m’a proposé. Du générique de début à la tout dernière image, tout aura été absurde, décalé, frôlant le n’importe quoi, se vautrant dedans même par moment. Dupieux n’a fait aucune concession au réalisme, ce qui est généralement la première préoccupation des amateurs de polars. L’intrigue semble se dérouler de nos jours (téléphone portable) mais tout le reste sonne volontairement faux : les décors très 70’s (plafond du commissariat, véhicule de police type « panier à salade »…), les costumes très 80’s, les accessoires improbables (une Gameboy vintage dans les mains d’Orelsan, une équerre sur un bureau de flic pour « tracer des tableaux » !??). Le film est parsemé de flash back qui s’entremêlent à la réalité pour finir par donner des scènes complètement surréalistes. Et je ne parle même pas de la fin, en forme de pirouette improbable, complètement imprévisible, à peine compréhensible et qui, au lieu de tout expliquer, complique encore l’intrigue. En utilisant une musique décalée, une photographie très sombre, très 70’s elle aussi, Dupieux prend soin de placer sa patte, son style dans tous les détails. Alors évidemment, ce n’est pas du cinéma pour tout le monde, il faut adhérer à l’humour absurde, accepter que le film t’emporte vers les contrées bizarres du surréalisme et garder son esprit ouvert à chaque seconde. Dans le cas contraire, au mieux on s’ennuie, au pire on crie à l’imposture ! Je peux comprendre qu’on n’adhère pas, voire qu’on déteste ce genre de cinéma et le plus honnêtement du monde, je ne le conseillerais pas à tout le monde. Mais moi, qui ai toujours été une bonne cliente pour les « voyage en absurdie », j’ai passé un bon moment, j’ai beaucoup ri, et j’ai trouvé que « Au Poste ! » (qui ne dure que 1h13, c’est un record de brièveté difficile à battre) fonctionnait. Il fonctionne même très bien grâce à un casting assez génial avec en tète de gondole Benoit Poelvoorde et Grégoire Ludig. Tous les deux avait le profil idéal pour « Au Poste ! », l’absurde étant leur fond de commerce. Poelvoorde est dans son élément en flic obtus comme une équerre, toujours à contretemps, à contre emploi, une vraie caricature de mauvais flic dans les mauvais polars : réjouissant. Ludig a l’air « normal » au début mais plus son interrogatoire progresse, plus lui aussi semble venir d’un autre monde, un monde où on vit et on agit toujours de façon décalée. Les seconds rôles sont eux aussi très croqués : des flics difformes (tous ont un handicap bizarre, on se croirait dans « Freaks » !), jamais crédibles, drôles à force de taper à coté de la cible. La palme revient à Marc Fraize avec une scène de « surveillance de témoin » qui pourrait bien devenir culte ! Scénaristiquement parlant, on ne croit à rien, c’est même limite si on veut savoir si Fugain est coupable ou innocent tellement son alibi à l’air de sortir de cerveau d’un scénariste sous LSD. Mais de rebondissements improbables en digressions paranormales (parce que à un moment, c’est quasiment « Retour vers le Futur » quand même !), du générique de début qui n’a aucun sens au double coup de théâtre final, on marche dans le délire du Dupieux, on se laisse porter comme si on rêvait (ou comme si on cauchemardait) par son film. « Au Poste » ne ressemble à rien, ne porte aucun message, se perd dans des contorsions scénaristiques sorties de nulle part et pourtant, le film fonctionne, on n’est pas près de l’oublier, c’est un petit miracle ! Mais il faut être clair, ce film est destiné à un public averti, il n’est pas fait pour les esprits rationnels, il est réservé aux gens qui aiment bien parfois voir des choses bizarres, différentes, hors du commun, décalées, qui mettent limite mal à l’aise. Allez voir « Au Poste ! » avec l’esprit ouvert au maximum, sinon n’y allez surtout pas !

 

C’est pour ça…

 

La bande annonce de "Au Poste !"

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