
Cela fait trois ans que Han, baptisé Solo presque par hasard, est soldat de l’Empire. Il s’est échappé de sa sinistre planète d’origine, mais a du laisser sur place sa chérie, Qi’Ra et depuis, il n’a qu’un objectif : se faire assez de fric pour s’acheter un vaisseau et retourner chercher sa belle. Lorsqu’il croise la route de 3 mercenaires infiltrés dans l’Armée Impériale, il saisit sa chance et se joint à eux pour un coup aussi rémunérateur qu’insensé. Ce qu’il ignore, c’est que la douce Qi’Ra ne l’a pas attendu sagement sur sa planète comme une princesse attend son preux chevalier : la belle a fait son chemin elle aussi, un chemin trouble et inattendu.
Alors que vaut-il cet épisode voué aux gémonies de la fameuse et interminable saga « Star Wars » ? Ce spin-off est tellement couvert de critiques calamiteuses que ça en serait presque suspect ! Ne serait il pas de bon ton de cracher de plus en plus fort sur « Star Wars » depuis le rachat par Disney ? En réalité, dans sa forme le film tient la route. Il coche les cases de la saga, avec ses paysages grandioses (doit totalement industriels, soit complètement sauvages, aucune nuance), son humour un peu potache, ses scènes d’action (bruyantes, interminables, couverte par une musique envahissante), ses combats interstellaires, ses créatures difformes et son rythme infernal. 2h15 que j’avoue ne pas avoir vu passer, malgré les bémols que je viens d’évoquer avec quelques scènes fortes, le détournement du train pendulaire notamment (qui ferait une chouette attraction pour Eurodisney, mais je suis sure qu’ils n’ont pas besoin de moi pour y penser !) ou la traversée du Maelstrom. Les scènes d’actions sont maîtrisées, ils y en a suffisamment mais pas trop et cette fois ci, on nous aura épargné le sempiternel et long duel au sabre laser. Sur la forme, mis à part les défauts que j’ai cité mais qui sont inhérents à la saga (ça fait parti du cahier des charges), je ne vois pas ce qui distinguerait en mal cet opus des deux ou trois qui l’on précédé. Ce n’est pas non plus tellement le casting qui pose problème. Les seconds rôles sont bien tenus par des pointures comme Woody Harrelson, Donald Glover (qui incarne un Lando Calrissian tout à fait crédible et très honnête vis-à-vis de la saga initiale), Thandie Newton (dans un rôle hélas bien trop court), Paul Bettany et évidemment Emilia Clarke. Personnellement, je trouve Clarke vachement bien au naturel (sans sa perruque de Targaryen) et son rôle n’est pas si éloigné de celui qui aura fait sa gloire et aura lancé sa carrière, celui de Danaerys dans « Game of Thrones », c'est-à-dire un rôle de femme forte et ambigüe, dont on ne saura que tardivement et confusément quel dessein elle poursuit. Je note aussi la « performance » un peu bizarre de Phoebe Waller-Bridge, dans le rôle de L3, un robot à forte personnalité (il en faut un dans chaque épisode, ça fait aussi parti de la franchise), un robot revendicatif des droit des robots, une sorte de passionaria des composés électroniques qui apporte une touche d’humour bienvenue dans un film dont on aurait pu en attendre plus, étant donné le rôle titre. Le rôle titre, justement, celui de Han Solo, est tenu par Alden Ehrenreich. Le jeune acteur fait son maximum et dans n’importe quel autre film il aurait tenu la barque sans problème mais là, c’est un cadeau empoisonné que de lui avoir refilé le rôle d’Harrison Ford. Le personnage de Solo, c’est Harrison Ford comme celui de Skywalker-fils est Mark Hamill et Leïa est Carrie Fischer. Tu peux toucher à tous à les autres rôles mais ceux là sont trop fortement marqués par leur interprètes initiaux, si tu ajoutes à ça le charisme inouï d’Harrison Ford, le débat est clos avant d’avoir commencé. Le héros que l’on voit à l’écran a beau être cool, sympathique, beau garçon et charmeur, ce n’est pas Han Solo, ça ne peut pas être Han Solo, on ne peut pas y croire une seule seconde. Faire un spin-off sur Solo, c’est la fausse bonne idée par excellence, presque un cas d’école : le spectateur ne peut pas marcher dans la combine, à moins de ne rien connaitre du tout de la saga et de voir l’épisode en question tout seul, sans le reste autour. C’est d’ailleurs presque le second gros défaut de « Solo : A Star Wars Story » : on peut le voir tout seul sans rien connaitre à la saga, on ne sera pas largué car le moins que l’on puisse dire est qu’il ne se raccroche à la série que de façon ultra anecdotique. Même si le scénario répond à des questions comme : comment Solo et Chewbacca se sont rencontrés (et ont-ils pris une douche ensemble ?), comment a-t-il acquis le Faucon Millénium, comment a-t-il fait la connaissance de Lando, et même si certaines réponses sont inattendue (notamment la première), même si c’est étonnant de voir Solo soldat de l’Empire, le film fait l’effet d’un spin-off complètement hors sol. Les questionnements qui sont à la base du succès de Star Wars à savoir la lutte entre le Bien et le Mal, la confrontation de la République et de l’Empire, l’ébauche de la Résistance clandestine, bref, pour lâcher un gros mot : la Politique avec un grand P, tout ça est quasiment absent de « Solo : A Star Wars Story ». Ici, il n’est question que de contrebande, de gros sous et le rôle de l’Aube Ecarlate (l’organisation un peu mafieuse au centre de l’intrigue) est horriblement mal défini. Il n’y a qu’à la toute fin que quelques jalons sont lancés, comme un os à ronger pour le spectateur. Si j’ai bien compris, l’épisode pourrait se situer chronologiquement entre « La revanche des Siths » et « Rogue One ». Là où « Rogue One », justement, se calait parfaitement dans la saga et donnait du sens à l’intrigue générale de Star Wars, « Solo : A Star Wars Story », lui, parait hors du coup, presque anecdotique. C’est ça, je crois, qui fait que ce film ne marche pas auprès des critiques et marche mal en salle : il est anecdotique, il n’apporte rien à une saga pourtant très riche, complexe, multicarte. On sent que cet épisode là est une sorte de gadget pour rentabiliser l’achat de la franchise. Pour un amateur de Star Wars, si on ajoute à cela le crime de l’lèse-majesté qu’est le « remplacement » d’Harrison Ford, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase de la déception. Pour apprécier « Solo », il faut le considérer comme un film de SF standard, bien fichu, efficace et respectant les règles du genre, mais il faut le déconnecter d’une saga à laquelle, je le reconnais à mon tour, il n’apporte presque rien.