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Un point c'est (pas) tout

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Critique cinéma : L'Homme qui tua Don Quichotte

Publié par Christelle Point sur 27 Mai 2018, 15:35pm

Pour qui connait un petit peu le cinéma, la longue histoire de ce film est une aventure à elle seule. Il y a 25 ans, l’ex-Monty Python Terry Gilliam commence à tourner « L’Homme qui tua Don Quichotte » avec au casting Vanessa Paradis, Jean Rochefort et Johnny Depp, c’était un projet fou dans lequel il avait englouti une bonne partie de ses fonds personnels. Au bout de 20 jours d’un tournage cataclysmique, pendant lesquels tout ce qui pouvait mal tourner a mal tourné (Voir le documentaire édifiant sur ce désastre : « Lost in la Mancha »), les assureurs possédaient les droits d’un film maudit qui, en tout cas on le croyait, ne verrait jamais le jour. Mais Gilliam est un obstiné, pire, un forcené et 25 ans après, avec d’autres acteurs et un scénario légèrement remanié, son film maudit est enfin projeté. Il s’en est fallu de peu puisque le jour précédent sa sortie, la malédiction du film faisait encore rage, le producteur ayant tout fait pour annuler les projections !

 

Il y a 10 ans, Toby était un jeune étudiant en cinéma, idéaliste et un peu fou. Venu en Espagne pour tourner son film de fin d’étude sur « Don Quichotte », il ébaucha des acteurs non professionnels et notamment un cordonnier, Sanchez, pour tenir le rôle titre. Aujourd’hui, Toby est de retour dans la région mais il n’est plus qu’un réalisateur capricieux, formaté et poseur, une sorte de tête à claque comme Hollywood sait surement en fabriquer à la pelle. Il retrouve Sanchez et se rend compte qu’il a tellement bien fait le job il y a 10 ans que ce dernier se prend vraiment pour Don Quichotte ! Le pauvre homme est devenu fou et va embarquer Toby avec lui dans une vraie aventure picaresque : la folie de « Don Quichotte » semble incurable, mais il se peut qu’elle soit aussi contagieuse.

 

Que dire après 2h20 d’une aventure foisonnante comme celle de « L’Homme qui tua Don Quichotte » ? Terry Gilliam a mis toute la folie visuelle dont il est capable dans son film et ce n’est rien de le dire. Le spectateur navigue en permanence entre le rêve et la réalité, entre l’illusion et le réel, entre le passé et le présent. Les flash back, nombreux au début du film, viennent rappeler le réalisateur que Toby était avant : passionné, inventif et résonne fortement avec ce qu’il est devenu. Cette oscillation permanente entre l’illusion et le réel ne sont pas de tout repos pour le spectateur qui doit accepter de se laisser porter par les effets de réalisations, les scènes oniriques, les décors improbables, les effets spéciaux sortis de nulle part. Tout cela concoure à l’impression de folie qui contamine lentement le film, au même rythme qu’il contamine lentement mais surement le personnage de Toby. Le film est relativement long et je dois avouer que les 20 dernières minutes tirent douloureusement en longueur. Il faut dire que tant de débauche visuelle finit par fatiguer un tout petit peu le spectateur. Néanmoins, je souligne que les décors, les costumes, la musique, tout est beau, soigné, magnifiquement mis en lumière et photographié. L’action est censé se déroulé dans la Mancha, région du centre sud de l’Espagne à la fois écrasée de soleil, désertique et relativement pauvre, et parsemée d’éoliennes, les nouveaux moulins à vents ! L’Espagne dans tout ce qu’elle a de typique est mise en scène : la semaine Sainte et ses extravagances, ses villages rocailleux perchés, les châteaux médiévaux en ruine, les anciens palais maures reconvertis en églises, « L’Homme qui tua Don Quichotte » est aussi un hommage à l’Espagne, preuve que Terry Gilliam n’est pas rancunier ! Il se permet même de s’auto référencer en évoquant les inondations qui ont eu la peau du premier tournage. Le côté « film dans le film » n’est pas inintéressante, c’est une petite mise en abîme qui en dit long, j’imagine, sur la vision que Terry Gilliam a de son travail. Fort de quelques seconds rôles hauts en couleurs, le film s’articule autour du duo Jonathan Pryce (formidable) et Adam Driver, qui trouve ici un rôle nettement plus riche et puissant que sa composition dans les deux derniers Star Wars. On se plait malgré tout à imaginer ce que Jean Rochefort et Johnny Depp aurait pu apporter à ce duo magique. Le scénario du film, quasi impossible à résumer, fait la part belle à la folie et à l’humanisme. C’est en acceptant la folie chevaleresque de Don Quichotte que Toby retrouve l’essentiel, l’amour, l’altruisme, l’humilité. Il y a un message assez fort dans son propos : c’est la folie qui permet au monde de rester debout, la normalité n’est que déception. C’était déjà peu ou prou le message de son précédent film « Zero Theorem », en plus lisible sans doute, en plus flamboyant surement, et en plus drôle aussi car l’humour de l’ex Monty-Python n’est jamais très loin. Parsemé d’incohérences, le scénario doit se déguster comme une aventure de Don Quichotte, tout ce qu’on voit à l’écran est soit improbable, soit une illusion, soit une exagération. Si l’on prend le film comme un conte moderne et un peu rock’n’roll, le film fonctionne, si on reste hermétique à cette folie douce, on doit trouver le temps sacrément long ! En résumé « L’Homme qui tua Don Quichotte » n’est assurément pas fait pour tout le monde mais si on se laisse emporter par les aventures de ce chevalier exalté, on peut y trouver une certaine profondeur et même, une vraie humanité.

 

La bande annonce de "L'Homme qui tua Don Quichotte"

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