
Après la petite déception qu’avait été « Les passagers de la foudre », j’hésitais un petit peu à me lancer dans un nouveau Erik Larson. Ce spécialiste de la docu-fiction a construit « Le Diable dans la Ville Blanche » exactement comme « Les passagers de la foudre », ce qui n’était pas pour me rassurer. Il alterne un chapitre sur deux entre un événement historique, raconté avec moult détails et parallèlement, une histoire plus « policière », plus humaine qui vient se télescoper avec la première. Ici, la Ville Blanche c’est Chicago et plus particulièrement la partie de Chicago choisie pour accueillir l’Exposition Universelle de 1893. De la bataille pour l’attribution de l’Exposition face à New York jusqu’à la (funèbre) cérémonie de clôture, on suit les petits bonheurs et grands malheurs de Daniel H Burnham, architecte en chef du projet. La vie d’un gigantesque chantier est racontée par le menu et honnêtement, cette Exposition Universelle est poursuivie par une poisse presque surnaturelle : atermoiements infini sur le choix de lieu, intempéries, crises économiques et bancaires, grèves, accident, tempête, incendies, canicule, froid polaire, maladie (ou mort) des architectes assistants, rien ne sera épargné à Burnham. Il tient pourtant bon la barre, et si cette Exposition Universelle finit par ouvrir ses portes à la date prévue, c’est un miracle total ! Et puis, il y a le Diable, c’est HH Holmes, un des premiers tueurs en série dans l’Histoire américaine qui profita de l’Exposition Universelle pour attirer dans son hôtel étrange des touristes par dizaines et en faire disparaitre on ne sait combien. Psychopathe (à une époque où ça n’existe pas encore officiellement) doublé d’un escroc notoire, il va sévir pendant des années dans une impunité totale, embobinant à tour de bras et zigouillant par intérêt ou pour le plaisir sans aucun état d’âme ni le moindre début de regret, jusqu’à ce qu’il tombe enfin sur un enquêteur obstiné de Philadelphie. Le récit de Larson est passionnant concernant les aventures de Holmes, et j’apprécie surtout qu’il n’évoque les crimes que de façon très allusive, par des sous-entendu et il faudra attendre presque 500 pages pour avoir une idée du modus operandi de Holmes : tout est suggéré, ce qui fait fonctionner l’imagination comme il faut. Concernant la partie Exposition Universelle, elle décrit par le menu la vie d’un immense chantier et d’un immense projet et lui applique une loi de Murphy implacable et qui finit par devenir presque comique. J’ai appris plein de choses sur Chicago à cette époque (la ville est presque un personnage à part entière), cette petite sœur rebelle et turbulente de New York. Hyper documenté, écrit avec sérieux (et humour quand il faut), « la Diable dans la ville Blanche » ferait un super film noir, j’en suis convaincue. En attendant qu’il soit un jour porté à l’écran, c’est une lecture peut-être un peu exigeante (presque 600 pages quand même) mais très intéressante, instructive et je conseille vivement.