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Un point c'est (pas) tout

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Critique cinéma : Pentagon Papers

Publié par Christelle Point sur 28 Janvier 2018, 16:50pm

En 1971, le Washington Post n’est pas encore le journal de référence qu’il est aujourd’hui. C’est un journal local, dirigé par Katherine Graham depuis le suicide de son mari. Démocrate, elle vient d’opter pour l’entrée en Bourse du journal qui a grand besoin de liquidités. L’éminent New-York Times est sur le point de publier les meilleurs pages d’un rapport explosif qu’un consultant de la Défense vient de faire fuiter, un rapport qui explique en détail que depuis l’administration Truman, l’Exécutif a menti sur la situation en Asie du Sud-est, menti au Congrès, menti au Peuple Américain. Et aux USA (à cette époque) on ne badine pas avec la Vérité. L’administration Nixon fait bloquer l’article du Times par un juge, au nom du Secret Défense, sans savoir que, quasiment en même temps, le Washington Post a lui aussi été destinataire du rapport. Dés lors, pour Katherine Graham comme pour toute sa rédaction se pose une question : publier (et risquer la prison) malgré l’injonction judiciaire et au nom de la Liberté de la Presse ou s’autocensurer ?

 

Avec « Pentagon Papers », Spielberg renoue avec un genre de film qu’il affectionne, les films sérieux, exigeants et pourtant parfaitement accessibles à l’immense public qui est le sien. Je ne vais pas perdre mon temps ici à vous expliquer que Spielberg est un cinéaste de référence qui maîtrise sur le bout des doigts ce qu’est un bon film, un film bien calibré, sans temps morts, sans bla-bla inutile, sans scènes redondantes. La musique de son compositeur attitré, John Williams, se cale toujours parfaitement bien dans l’action, sans empiéter dessus. Les travellings sont pertinents, les effets de caméra efficaces, la reconstitution des années 70 parfaitement réussie, tout est nickel-chrome ! Mais une reconstitution ne se limite pas aux costumes, aux décors et aux coiffures d’époque, ça ne se limite pas non plus à filmer des acteurs qui fument dans des lieux publics ou cherchent désespérément des téléphones quand ils doivent se joindre d’urgence ! Spielberg soigne son film en lui donnant une photographie très 70’s, avec un grain particulier, une couleur légèrement passée, c’est visiblement filmé à la pellicule et non en numérique, comme il faisait quand il avait 30 ans, dans les années 70… C’est à ce genre de « petit plus » que l’on reconnait un grand réalisateur. Et puis, la cerise sur le gâteur est que Monsieur Spielberg s’offre au casting… Richard Nixon lui-même, en glissant dans son film les enregistrements véridiques (et accablants) de l’ancien président américain. Qu’est ce que je pourrais trouver à redire à un long-métrage de presque 2h dans lequel chaque scène, même la plus courte et anecdotique, est forte en symbole, en pertinence, et respire l’intelligence ? Cela fait longtemps que Spielberg a compris qu’il fallait faire confiance à l’intelligence du public, qu’on pouvait lui monter des choses fortes, complexes et lui faire appréhender des enjeux délicats, des dilemmes moraux, sans jamais le perdre en route. « Pentagon Papers » n’est pas qu’un sujet sur le pouvoir de la presse, sur son importance dans une démocratie, c’est avant tout un film sur le courage. Il fallait de courage pour publier des articles explosifs sur son propre gouvernement alors qu’un Juge vous l’a interdit. Il fallait du courage à Katherine Graham pour prendre cette décision dans un conseil d’administration exclusivement masculin qui parle à sa place, pense à sa place, et la traite avec une condescendance inimaginable aujourd’hui. Il leur fallait du courage aussi pour faire passer leurs principes avant leurs amitiés, pour la mémoire de JFK pour l’un, pour Robert Mac Namara pour l’autre. On pourra objecter que c’est moins difficile quand c’est un Nixon qui est à la Maison Blanche et pas un Démocrate mais quand même. Le film est un hommage au journalisme et à une certaine idée de l’Amérique, celle qui execre le mensonge, celle qui maintient côute que côute ses principes, celle qui a le courage de l’autocritique et de l’Indépendance des pouvoirs entre eux. Alors c’est peu dire que « Pentagon Papers », qui se situe en 1971, à quelques mois de ce que sera la Watergate, résonne de manière assourdissante dans l’Amérique de 2018. En 1971, on parlait de « mensonges », pas de « faits alternatif » et quand la presse publiait un document, on ne criait pas aux « fake news » puisqu’on savait bien que c’était la vérité et qu’il était inutile de nier les évidences. Que ce film tombe aujourd’hui n’est pas un hasard, et tans pis s’il fait grincer les dents d’untel ou untel, il démontre de façon limpide des principes fondamentaux ; quelquefois, il y a des portes ouvertes et des clous qu’il faut continuer d’enfoncer, et enfoncer encore. Côté casting, il y a les deux rôles principaux et les seconds rôles. Pour ce qui est de la tête d’affiche, Spielberg à choisi Tom Hanks (impeccable) et Meryl Streep. Cette dernière donne corps à une Katherine Graham parfaite, jusque dans le tremblement d’une main, dans une réplique chevrotante, elle fait passer toute la complexité de la situation dans laquelle son personnage se trouve, avec un jeu d’une finesse exemplaire et d’une retenue totale. Pour qui est des seconds rôles, là, Steven me fait super plaisir en les accordant quasiment tous à des supers acteurs de super séries TV, montrant ainsi une nouvelle fois qu’il n’y a plus aucune barrière entre le monde du cinéma et celui des séries : Bob Odenkirk (« Better call Saul »), Bradley Whitford (« The West Wing »), Sarah Paulson (« American Crime Story »), Matthew Rhys (« The Americans »), Carrie Coon (« The Leftovers ») ou encore Jesse Plemons (« Breaking Bad »), quelle belle brochette de super acteurs enfin reconnus par le meilleur réalisateur de cinéma d’aujourd’hui ! Même si parfois ils se font un peu voler la vedette par Hanks et Streep (mais bon, pas évident avec deux pointures de ce calibre) et même si certains de leur rôles auraient mérité un tout petit peu plus d’éclairage, quel casting quand même… « Pentagon Papers » a bien peu de défauts, il rend accessible un sujet au départ un peu ardu, il le fait avec la toute petite pointe d’humour qui va bien. Il part bille en tête avec une scène de jungle au Vietnam qui a le mérite d’être aussi courte qu’ultra efficace et se termine par une scène toute aussi courte, toute aussi efficace, et d’une ironie parfaite. « Pentagon Papers », courrez-y, si vous aimez le cinéma qui d’adresse à votre intelligence.

 

La Bande Annonce de "Pentagon Papers"

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