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Un point c'est (pas) tout

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Critique cinéma : D'Après une Histoire Vraie

Publié par Christelle Point sur 1 Novembre 2017, 16:02pm

Delphine a écrit un best-seller en racontant l’histoire de sa mère, dépressive, internée, suicidée. Mais à présent qu’il lui faut passer au roman suivant, c’est la panne d’inspiration totale. Revenir à la fiction pure ou continuer à évoquer la réalité, la sienne, celle d’un autre ? L’angoisse de la page blanche se double d’une série de lettres anonymes l’accusant d’avoir jeté en pâture l’histoire familiale et d’avoir fait beaucoup d’argent avec. C’est à ce moment de sa vie que débarque « Elle ». Une jeune femme écrivaine elle aussi, mystérieuse, envahissante, qui se présente comme une admiratrice. Delphine la laisse entrer dans sa vie sans se rendre compte que la jeune femme prend sur elle un ascendant inquiétant. Mais qui est Elle au juste : Une femme tout simplement perturbée, l’auteure des lettres anonymes ou bien pire encore ?

 

Le dernier film de Roman Polanski traite d’un sujet bien connu : l’angoisse de la page blanche et les affres de la création et de l’inspiration. Il nous offre un film d’1h40 plutôt bien construit, plutôt rythmé, sans temps morts et sans fioritures inutiles. Polanski, qui n’est ni un débutant ni un amateur, a resserré son intrigue au maximum, en évitant de se disperser. Les enfants de Delphine sont partis et on ne les voit jamais, son compagnon ne vit pas avec elle et est souvent absent, elle a fort peu d’amis. Du coup, c’est presque un huis-clos qu’il nous propose, la cohabitation entre une femme fragilisée et une autre très inquiétante. De jolis plans (le téléphone avec le manège au second plan), une musique d’Alexandre Desplat intéressante, une ambiance d’automne qui sied bien au propos (beaucoup de pluie, beaucoup de pluie battante), Polanski sait construire un film dans sa globalité et ce qu’il propose est aboutit. A part Vincent Perez et Josée Dayan, la caméra se pose quasiment en permanence sur son actrice fétiche, Emmanuelle Seigner et sur Eva Green. Autant le jeu de Seigner, très propre et plutôt convaincant ne pose pas problème, autant celui d’Eva Green interroge. C’est probablement volontaire mais elle est sans discontinuer à la limite du surjeu, au début ça intrigue, puis ça énerve un peu pour finalement poser question. Cette façon de surjouer, parfois un peu théâtrale, est une caractéristique du personnage très inquiétant qui est le sien. Elle fixe du regard avec une intensité qui met mal à l’aise et ça dés la toute première scène. Plus on avance dans le film, moins elle surjoue et paradoxalement plus son personnage se précise et devient inquiétant. En fait, le personnage de Elle a été pensé pour mettre mal à l’aise d’emblée avant de s’adoucir pour encore plus instiller le doute. Le scénario, qui souffre de quelques faiblesses, pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses. La façon dont Elle s’insinue dans la vie de Delphine est un peu téléphonée, elle est là où il faut, les coïncidences s’enchainent, elle s’invite de plus en plus dans sa vie avec une rapidité qui interroge et de manière insistante voire grossière mais surtout, ce qu’on remarque vite, c’est autre chose : Elle ne s’adresse qu’à Delphine et personne ne s’adresse à Elle quand elles sont toutes les deux au bar, dans une station service, dans le métro, etc… Très vite (trop vite ?) le doute s’insinue : Elle est elle une admiratrice un peu folle et dangereuse type « Misery » ou bien le début d’une psychose ? Visiblement il y a des antécédents dans la famille de Delphine, Elle débarque dans un moment d’épuisement total, et elle la pousse vers une introspection qui l’angoisse : Elle existe-elle ? Plus le film avance plus on en doute, quelques indices nous laissent à penser que Delphine développe la même psychose que celle qui a tué sa maman, peut-être même qu’elle s’adresse des lettres anonymes pour se punir d’avoir exploité la maladie de sa mère ? Le film permet de tout envisager mais ne donne aucune solution, aucune certitude. Il s’arrête là où il a commencé, lors d’une séance de dédicace, assez brutalement, sans que l’on puisse déterminer avec certitude si nous, en tant que spectateur, on a compris ce qu’on était censé comprendre ! De ce point de vue, c’est assez malin de laisser chacun faire sa propre interprétation de l’histoire de Delphine. Mais parfois, le scénario joue un peu avec la facilité, téléphone un peu ses rebondissements et la fin, dans la maison de campagne, tire inexplicablement en longueur. Cette fin, qui voudrait installer une angoisse allant crescendo, finit par lasser tellement elle s’étire. Il y a des petites choses que le scénario suggère mais qu’il ne développe jamais : Si Elle n’est qu’une « amie imaginaire », d’où sort cette vie rocambolesque qu’elle décrit, est-ce le reflet de la vraie vie de Delphine ? Le mari suicidé, le père violent, l’incendie, que sont-ils censé symboliser ? Et si Elle est une vraie personne, quel but poursuit-elle ? Ecrire à la place de Delphine, certes, mais pourquoi ? Toutes ces questions sans réponse finissent par rendre confus le film de Polanski. Puisqu’il s’agit d’un thriller, j’aurais préféré une peu plus de clarté  même sans avoir de « révélation finale ». Là, en revanche, on a impression qu’il veut faire confus pour faire confus plus que pour installer un doute ou un suspens. Du coup, la fin brutale et sèche du film laisse un gout final mitigé. Ca aurait pu être un thriller très efficace et bien tordu mais à la place, on a un thriller confus, qui parfois en fait trop, qui parfois va trop vite, qui parfois manque de subtilité dans ses rebondissements. Et presque pire, devant « D’après une histoire vraie » on a une impression de « déjà vu », tellement le thème de l’écrivain fragilisé en proie à l’angoisse de la page blanche est bateau, déjà traité sous toutes ses formes. Polanski a eu du mal à éviter l’écueil de celui qui voulait faire un film « mystérieux » et qui finit par faire un film « fumeux », il n’est malheureusement pas le premier à tomber dans ce piège. Reste que malgré tout, le film passe bien, on se tord un peu les méninges pour essayer de comprendre qui est cette Elle et si l’on accepte l’idée que la fin ne nous donnera aucune clef pour comprendre (ce qui est frustrant, j’en conviens) alors on passe quand même un bon moment de cinéma.

 

La bande annonce de "D'après une histoire vraie"

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