
En janvier 1985, dans le Midwest désœuvré, une femme et ses deux petites filles sont assassinées de manière horrible dans leur ferme. La petite dernière, Libby, 7 ans, en réchappe par miracle et dénonce le grand frère. 25 ans plus tard, Libby a (mal) grandit, son grand frère Ben est en prison a perpétuité et elle n‘a aucun lien avec lui. En manque d’argent, elle accepte de rencontrer un étrange club de détectives amateurs, persuadés de l’innocence de Ben et qui vont amener Libby, presque à son corps défendant, à refaire l’enquête et à découvrir que, peut-être, elle a envoyé son frère derrière les barreaux par erreur. Le roman de Gillian Flynn est assez réussit d’abord dans sa forme. Les chapitres se situent en alternance en 1985 et aujourd’hui. Les chapitres « aujourd’hui » sont centrés sur Libby, sa personnalité trouble (kleptomane, cynique, veule, quasi asociale et pour tout dire, assez antipathique) et l’enquête qu’elle se retrouve à mener presque malgré elle (appâtée par l’argent que lui propose le club de détective), ses rencontres avec les témoins de l’époque qui la plonge, au fil des chapitres, dans l’horrible certitude qu’elle a envoyé son frère derrière les barreaux par erreur. Les chapitres « 1985 » sont centrés en alternance sur Patty, la mère, et sur Ben, le grand frère. Au fil de ces chapitres là, on voit de dessiner de plus en plus nettement l’erreur judiciaire qui ne manquera pas d’arriver, de mauvais choix en lâcheté, d’idées préconçues en mauvaises rencontres, Patty scelle son destin et Ben monte un par un les barreaux du piège dans lequel il tombera inévitablement. Les chapitres, assez longs au début du roman, se raccourcissent au fur et à mesure que le moment M s’annonce, celui du meurtre en 1985, celui de la Vérité aujourd’hui. C’est une construction certes pas très originale mais rondement menée et très efficace. Sur le fond, Flynn dresse une fois de plus le portrait d’un Midwest peu reluisant, d’une pauvreté économique et intellectuelle crasse, le portrait d’une époque aussi, celle des 80’s. Le dénouement de son intrigue, qui débouche sur une coïncidence terrible, peut paraitre un peu étrange sur le moment mais à bien y réfléchir, elle n’est pas si improbable que cela et tous les chapitres « 1985 » nous y amènent en douceur, inexorablement. C’st parfois un peu glauque par moment, il est question de fausses accusations de pédophilie, de drogues cheap, artisanales (et terriblement agressives) de rites sataniques aussi, mais la noirceur fait partie de l’univers de Gillian Flynn, comme dans « Sur ma peau » ou, dans une moindre mesure, dans « Les apparences ». « Les lieux sombres » confirme à mes yeux le talent de Gillian Flynn pour les thrillers noirs, des thrillers qui sentent la ferme, le Midwest, les toutes petites villes républicaines et leurs côté étriqué.