
Du même auteur que « Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire », et exactement dans le même esprit, « L’analphabète qui savait compter » est proprement ir-résumable ! J’essaie malgré tout : Orpheline du guetto de Soweto, Nombeko est une jeune fille dont le triste destin semblait tout tracé. C’était sans compter sur son intelligence hors du commun, sa ténacité en acier trempé, et son optimisme à toute épreuve : femme de ménage chez un ingénieur alcoolique spécialiste du nucléaire, Nomenko finira par fuir avec une bombe atomique dans ses bagages, ladite bombe convoité le Mossad. Elle échouera en Suède, où elle fera la connaissance de Holger 2, frère jumeau sans existence légale de Holger 1. Holger 2 qui n’a pas d’identité mais qui a hérité de tous les neurones de la paire. Ces deux, là vont mettre un temps considérable à se débarrasser de cette encombrante bombe H, affublés qu’ils sont d’un jumeau neuneu et gaffeur, de sa petite copine ingérable, d’un déserteur US paranoïaque et d’une grand-mère planteuse de pommes de terre. Ir-résumable de façon claire, donc (je viens d’en faire la démonstration), « L’analphabète qui savait compter » se déguste comme une gourmandise, c’est drôle et irrévérencieux, ça n’est évidemment pas crédible pour deux sous, l’histoire de Nombeko croise la grande Histoire, où l’on côtoie le roi de Suède, son premier ministre, mais aussi Tipi Livni, Hu Jin Tao, les premiers ministres successifs d’Afrique du Sud, et même, au détour d’une phrase, Valérie Pécresse ( ?!). C’est une vraie aventure picaresque, avec ses énormes rebondissements, ces énormes (et savoureuses) invraisemblances, ses énormes personnages improbables, le tout généreusement saupoudrée d’humour (mais un humour corrosif). Même si il n’ pas la puissance comique du « Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire », il en a toutes les autres qualités. C’est un roman léger et qui se lit avec une vraie gourmandise, et qui n’a pas peur de mettre en scène le Roi du Suède en train de décapiter des poules à mains nues pendant que son Premier Ministre récure le sol de la cuisine d’une ferme perdue au fin fond de la Suède. A l’image du roman tout entier, ces scènes surréalistes sont savoureuses et tellement décalées qu’elles finissent par rendre tous ces personnages, et surtout les grands de ce monde, très attachants. Il y a des digressions sans cesse, quelquefois courtes, quelquefois longues. Cela peut-être déroutant mais il faut faire avec car aucune de ces digressions n’est gratuite, toute finiront par apporter leur petite pierre à ce curieux monument sans prétention.