Nassim est un élève de 1ère plutôt bien intégré dans son lycée parisien. Il partage avec sa mère, gravement dépressive, un tout petit appartement. Un jour, au retour d’un week-end il retrouve sa mère morte, d’une overdose de médicaments. En rupture avec le peu de famille qui lui reste, le voilà placé dans un foyer pour jeune à Epinay, à 45mn de son lycée. Ce foyer, géré par Mme Cousin, abrite des jeunes en grande difficulté, des adolescents victime de la vie comme lui mais aussi des adolescents au seuil de la délinquance, des jeunes auxquels il refuse de se lier. Parallèlement, au lycée, il raconte qu’il vit chez son oncle à Boulogne-Billancourt. Coincé entre ces deux mondes, Nassim marche sur un fil tel un funambule, flirtant de plus en plus avec la chute et le vide.
C’est l’histoire de sa vie que Chad Chenouga raconte avec « De toutes mes forces », même si le film ne le précise pas. C’est important de le savoir d’emblée pour deux raisons. Déjà cela donne plus de force à son histoire, et surtout cela permet de voir de l’espoir au milieu d’un drame d’une noirceur qui va crescendo et qui semble tout aspirer au fil des minutes. Savoir que ce gamin, que l’on voit à l’écran dans une grande souffrance et qui semble vraiment sur le point de mal tourner, est celui qui tient aujourd’hui la caméra, ça permet de relativiser un peu ce drame assez dur. Il a soigné son film, Chad Chenouga, c’est indéniable. Il nous offre un film dense et qui ne laisse pas beaucoup de répits émotionnel au spectateur. Il soigne ses plans, utilise le flou pour illustrer le désarroi de son jeune héros, il s’amuse à filmer des flammèches au ralentis pour symboliser une existence qui se consume (et qui part en vrille), il illustre son film avec un musique bien choisie et bien placée, jamais envahissante. On sent une vraie application dans son travail, ce qui est surement le reflet de l’importance à ces yeux de l’histoire qu’il raconte, la sienne. Et puis, il a sacrément bien réussi son casting aussi. Il offre à Yolande Moreau un rôle tout en rondeur, très doux, plein de tendresse et d’humanité, un rôle qui lui va parfaitement et qui fait que toutes les scènes où elle apparait sont d’une douceur particulièrement importante dans ce film si dur. Autour du jeune héros, les jeunes acteurs sont plus vrais que nature, spontanés, oscillant en permanence entre violence et amitié, parfois un peu caricature d’eux même mais ce n’est pas bien grave. Ce n’est pas grave car le jeune Khaled Alouah emporte tout sur son passage. Ce jeune acteur, qui n’avait jamais rien fait auparavant devant une caméra, ni cinéma, ni TV ni rien du tout, impressionne tellement il semble habité par son personnage. Il est de chaque plan, il joue tout à tour le désespoir, la colère, la joie, toute la palette y passe et il est juste de bout en bout, de la première scène à la toute dernière. Comme Rod Paradot avant lui dans « La tête haute » ou Finnegan Oldfied dans « les Cowboys », ce gamin sorti de nulle part, qui a juste tâté du théâtre au lycée, explose à l’écran. La relève du cinéma français se porte bien, chez les garçons comme chez les filles, pas d’inquiétude là-dessus et je ne serais pas surprise de voir son nom parmi les nommé aux Césars de meilleur espoir en février prochain ! Le scénario de « De toutes mes forces » est d’une noirceur à laquelle je ne m’attendais pas. Je savais bien que j’allais voir un drame sur un sujet difficile, mais je m’attendais à une histoire moins sombre, moins désespérée. Ce gamin de 17 ans, en plein deuil de sa mère qui était le seul pilier de sa vie, se retrouve dans un foyer au milieu de jeunes dont certains sont, soit au seuil de la délinquance, soit en grande souffrance psychologique et sociale, soit les deux. Il se retrouve presque prisonnier au milieu d’eux, on lui explique que son lycée est trop loin et qu’il va peut-être devoir choisir une autre orientation parce que « ce sera plus pratique », alors forcément il va dériver, ce serait presque incongru que cela n’arrive pas, malgré toute la bienveillance du monde. Les bêtises s’accumulent, les mensonges aussi. Il ment à ses copains de lycée, pour des raisons que lui-même auraient sans doute du mal à expliquer, il se coupe peu à peu d’eux pour finir par franchir le Rubicon. A force de marcher sur un fil entre deux mondes si différents, il se sent aspiré par le vide. C’est ce qui est le plus lourd dans « De toutes mes forces », cette espèce d’aspiration vers la délinquance qui semble vouloir engloutir ce gamin qui n’était absolument pas prédisposé à cela. Il y a une fatalité assez angoissante qui imprègne tout le film et qui le rend bien plus noir que je ne l’aurais imaginé. C’est d’autant plus douloureux que ce gamin a une vraie sensibilité, comme on peut le voir dans sa relation avec Zawadi et l’amitié un peu hors-norme qu’ils semblent nouer. L’histoire de Zawadi est encore plus douloureuse que celle de Nassim, au passage… Encore plus désespérante, encore plus déprimante presque… C’est peut-être cela que l’on pourrait reprocher à « De toutes mes forces », c’est un film bourré de qualités, bien réalisé, sacrément bien interprété, plein de belles et bonnes intensions mais très lourd, pesant, pour ne pas dire carrément plombant. Les lueurs d’espoir sont rares, trop rares ou trop fugaces et l’on sort de la salle avec une boule au ventre assez désagréable. Un tout petit peu plus d’optimisme et surtout d’espoir auraient pu « arrondir » le film, alors que là, on a à faire à un film assez « sec ». Du coup, il faut VRAIMENT avoir en tête que c’est l’histoire vécue de Chad Chenouga pour digérer son long-métrage, c’est la seule vraie et grande lueur d’espoir de « De toutes mes forces ».