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Un point c'est (pas) tout

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Blog sur tout ce qui rend la vie plus chouette...


Critique cinéma : Miss Sloane

Publié par Christelle Point sur 11 Mars 2017, 16:52pm

Elisabeth Sloane est lobbyiste à Washington, elle œuvre dans un cabinet qui a pignon sur rue et dans son domaine, c’est une pointure car elle à la fois intelligente, machiavélique et fort peu encombrée par les scrupules et les convictions. Pourtant, lorsqu’on la sollicite pour défendre la très lucrative industrie des armes contre un projet d’amendement, elle décline la proposition, à la grande surprise et au grand mécontentement de son patron. Pire, elle démissionne pour aller à la concurrence, afin de mettre ses talents au service de l’amendement en question. Le fait elle par conviction ? Parce qu’elle a eu une expérience personnelle douloureuse avec les armes à feu ? Ou bien le fait-elle juste pour avoir le plaisir de jouer (et peut-être de gagner) une partie perdue d’avance ? Quelle que soient ses motivations, la partie s’avère dangereuse, tous les coups semblent permis, même ceux qui flirtent avec la ligne rouge, et peut-être même ceux qui la transgressent.

 

Un film sur le lobbying… Quelle drôle d’idée pour nous ici, en France, où le lobbying est assimilé à la corruption ! Ici, on se targue de le combattre (c’est même un des axes de campagne d’un candidat à l’élection présidentielle de 2017, dont le nom se termine par –on !), où parfois on nie son existence (non, pas de ça chez nous !), où parfois étrangement on le voit partout alors qu’il est censé n’être nulle part ! Comment pourrions-nous voir et comprendre un film qui « met à l’honneur » une lobbyiste ? Luc Besson, producteur de « Miss Sloane », doit penser qu’au contraire, il y a quelque chose à montrer, à expliquer sur ce phénomène. C’est le réalisateur John Madden qui s’y colle et qui « fait le job » dans le sens où son travail est propre, bien fichu et bien calibré mais sans imagination, sans audace, sans originalité. La musique est passe-partout, bien forte quand il faut souligner quelque chose. Les effets de caméra, avec pour point d’orgue la quasi scène finale dans la salle d’audience du Capitole, sont tout sauf inventifs. Le film dure presque 2h20, c’est un petit peu trop long et on peu logiquement penser qu’il aurait pu élaguer un peu ici ou là, certaines scènes sont un peu bavardes, tire un peu en longueur, la fin n’en finit pas de finir (vous prendrez bien encore un rebondissement pour la route ?). Mais l’un dans l’autre, malgré ses petits défauts, je ne me suis pas ennuyée devant « Miss Sloane ». Il faut dire que le sujet m’intéresse, et j’aime les personnages complexes, un peu antipathiques mais très intelligents, un peu asociaux aussi. Et Jessica Chastain incarne parfaitement cette femme sans vie personnelle, qui ne vit que pour ce métier et le frisson du jeu qu’il lui procure, qui carbure aux médicaments et aux coups-fourrés (une sorte de Docteur House du lobbying !). Cette actrice apprécie les rôles de ce type, de femme forte, les rôles qui mettent en valeur autre chose que son charmant physique. Elle n’est pas très glamour dans « Miss Sloane » et c’est tout à son honneur que de choisir ses rôles avec un vrai fil conducteur. Les seconds rôles sont excellents aussi, parce que pour jouer il faut être plusieurs : Mark Strong en boss mi-fasciné, mi terrifié par son employée, Gugu Mbatha-Raw en collaboratrice manipulée ou encore Alison Pill (une vieille connaissance de l’excellente série méconnue « The Newsroom ») dans un rôle un peu effacé mais ô combien important pour l’intrigue. L’intrigue, justement, elle aurait pu être compliquée à souhait, elle aurait pu nous perdre en route, nous pauvres européens peu rompus aux rouages de la vie politique américaine, or il n’en est rien : j’ai tout compris ! Mais soyons honnête, si on ne connait absolument rien du fonctionnement des institutions américaine ou de la mentalité américaine, je ne suis pas certaine qu’on comprenne tout. Si l’on regarde « Miss Sloane » avec un œil franchouillard, soit on s’ennuie, soit on est atterré, soit les deux à la fois. Il faut voir « Miss Sloane » comme on a regardé « The West Wing » à la TV, il faut le faire avec une certaine ouverture d’esprit sinon le film ne fonctionne pas. Le lobbying, aux USA, se fait au grand jour, avec des agences qui ont pignon sur rue, ils participent au débat politique sur les plateaux TV (c’est inenvisageable ici !) qui publient leur comptabilité, qui ont un code de déontologie. Le lobbying, ce n’est pas la corruption même si, et le film me montre évidemment, il peut l’entraîner. Il faut reconnaitre aux américains une chose, ils jouent à ce jeu sans hypocrisie, au grand jour, selon des règles établies et acceptée comme telles. Je ne suis pas certaine qu’en le faisant ici, en France, dans l’ombre, tout en prétendant que ça n’existe pas, ce soit plus glorieux, au contraire. Le scénario montre clairement jusqu’où les lobbyistes peuvent aller pour gagner un combat, et jusqu’où ils ne peuvent pas aller. Il montre que certains transgressent les règles, comme dans toutes les professions, alors que d’autres font le job avec conviction. Il montre que toutes les causes sont concernées par le lobbying, les bonnes comme les mauvaises, et que les lobbyistes jouent le jeu sans se poser continuellement ce genre de questions. L’intrigue est compliquée mais assez passionnante, je le reconnais : on a l’impression d’assister à une gigantesque partie d’échec ou de poker, avec les machiavélismes et les atouts que l’ont sort au bon moment, et parfois qui se retournent contre vous. J’ai même été surprise à deux ou trois reprises, alors que le scénario me paraissait bien huilé, il y a quelques scènes fortes que je n’avais pas vu venir, des rebondissements inattendus, et d’autres qui n’en sont finalement pas alors qu’on les sentait pourtant venir de loin. Le scénario est au final plus malin que je ne l’imaginais, bon point ! Pour ce qui est de la crédibilité du personnage de Sloane et de ses méthodes, je ne m’avancerais pas en revanche, surtout pour ce qui concerne l’aspect technologique de son travail (le coup du cafard ? Franchement ?). Malgré des défauts inhérents à ce genre de film (réalisation académique, personnages un petit peu stéréotypés, la « morale » qui gagne à la fin…), « Miss Sloane » mérite le détour. Fort de son casting impeccable et grâce à un scénario clair et instructif, le film fonctionne et nous fait passer un bon moment de cinéma.

 

Mine de rien, j’ai glissé dans cette critique les titres des deux meilleures séries TV de Aaron Sorkin (« The Newsroom » et « The West Wing »), dont je suis une admiratrice. Il n’est pour rien dans « Miss Sloane » mais le film très vite fait penser à son travail, pour l’importance des dialogues, pour les personnages qui parlent vite et réfléchissent encore plus vite, pour son souci de décortiquer sans concession le fonctionnement d’une institution ou d’une entreprise. A mes yeux, assimiler « Miss Sloane » à son travail est un compliment.

 

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19568056&cfilm=245042.html

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A
beau blog. un plaisir de venir flâner sur vos pages. une belle découverte et un enchantement.
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