M. Night Shyamalan est un réalisateur bien à part, avec un style bien identifié depuis sont fameux « 6ème sens », le style d’un réalisateur audacieux qui n’a pas peur de grand-chose, quitte à se planter carrément, et qui aime par-dessous tout emmener son spectateur vers des fausses pistes avant un rebondissement final censé le laisser bouche bée. Après quelques échecs et un long silence, le revoilà avec « Split », sa bande annonce bien flippante et son pitch prometteur.
Kevin a été traumatisé par une mère maltraitante quand il était tout petit et c’est aujourd’hui un jeune homme très perturbé. Il a développé un syndrome rare (tellement rare que peu de gens, y compris dans les milieux de la psychiatrie, y croient vraiment) : un trouble dissociatif. Dans son corps cohabite la bagatelle de 23 personnalités très différentes : des hommes, des femmes, des enfants, des personnalités timides, des personnalités psychorigides, des personnalités créatives, etc… Seule sa psychiatre les connait toutes et tente de soigner Kevin en dialoguant avec certaines d’entre elles. Mais un jour, une des personnalités de Kevin dénommée Dennis enlève trois adolescentes pour les séquestrer avec l’aide de deux autres personnalités Patricia et Hedwig (vous suivez toujours ?). Dans quel but ? Préparer la venue d’un être supérieur dénommé « La Bête » : une 24ème personnalité, ou encore pire que cela ?
M. Night Shyamalan n’est pas un manchot avec sa caméra. Un certain nombre d’échec commerciaux comme « Phénomènes » ou « la jeune fille de l’eau » ou de films passés inaperçus ont eu tendance à le faire oublier. Mais avec « Split », Shyamalan prouve que c’est d’abord et avant tout un bon cinéaste, capable de faire de beaux plans, de beaux travelling, de jouer habilement avec la lumière, avec la musique (très dissonantes ici et ça fonctionne très bien), bref : de faire du bon cinéma. Pas juste du cinéma efficace, non, du cinéma soigné et visuellement créatif, et force est de constater que ce n’est pas forcément très répandu dans le domaine des thrillers à Hollywood. Jusque dans ses génériques de débuts et de fin, sobre mais angoissants, Shyamalan maîtrise son film et ça fait plaisir de le retrouver. Evidemment, il fait une petite apparition assez courte, comme il l’a toujours fait dans ses films, c’est aussi sa petite marque de fabrique en plus du fameux « twist final » qui a fait sa renommée. Le casting est assez resserré et on me pardonnera de ne pas m’appesantir devant les (bonnes) performances de Betty Buckley et Ana Taylor-Joy pour ne parler au final que de la performance assez surréaliste de James McAvoy. Cet acteur, que j’avoue connaitre assez mal, a le privilège d’incarner 24 personnages dans un seul film, ce qui constitue, sauf erreur de ma part, une première dans son genre. Alors soyons honnête, sur les 24 personnalités (25 même si on compte Kevin que finalement on ne voit jamais !), seules 5 sont exploitées dans la longueur et reviennent : Dennis le psychorigide angoissant, Patricia la complice, Barry le créateur de mode, Hedwig le gamin attardé de 9 ans et… la Bête ! Rien que pour l’interprétation de ces 5 là, et notamment de Hedwig, McAvoy est impressionnant. Le passage fréquent de l’une à l’autre, tant dans la voix, la façon de se tenir, les mimiques du visage, constitue en soi une vraie performance d’acteur qu’on se doit de souligner. Même si l’on adhère pas au scénario, même si on ne croit pas au trouble dissociatif, même si au final on n’aime pas le film, on est obligé (sauf à être aveugle ou à avoir dormi pendant la séance, ce que j’aurais du mal à croire) de reconnaitre que la performance de McAvoy est énorme ! Maintenant, il reste le scénario de « Split » et comme souvent avec Shyamalan, c’est là qu’est le risque de se planter. Entrecoupé de flash back sur l’enfance de Casey, une des prisonnière, l’action se situe à la fois sur le lieu de la séquestration et dans le bureau de la psychiatre de Kevin. Les scènes avec la psychiatre, le docteur Fletcher, représentent la « caution scientifique » du scénario. Elle explique, assez clairement et de façon assez convaincante même, en quoi la maladie de Kevin est complexe et mystérieuse. Je ne suis pas psychiatre et je sais bien que le monde des maladies du cerveau est un puits sans fond de découvertes et d’interrogation, je ne sais pas grand-chose du trouble dissociatif. Mais je sais en revanche que c’est un très bon sujet de film déjà traité (voir « Identity » avec John Cusak) et qui, d’un point de vue purement cinématographique, est assez fascinant. Les flash back sur l’enfance de Casey, on se dit très vite qu’ils ne sont pas là pour rien et qu’ils vont jouer un rôle dans l’histoire. Je regrette un peu d’avoir vu venir de si loin le point de convergence entre le passé de Casey et son présent, cela manquait un tout petit peu de subtilité. Quant à l’histoire de la séquestration en elle-même, pour angoissante qu’elle soit pendant presque 1h30, elle souffre d’une fin un peu bâclée, qui tire en longueur, un peu bizarre, très peu lisible et qui fait qu’on se retrouve très circonspecte sur son siège quand la lumière se rallume ! Dans les dernières 30 minutes du film, le dénouement de cet horrible triple enlèvement flirte (un flirte poussé même) avec le gore, avec le surnaturel, pour ne pas dire avec le n’importe quoi ! A un moment, j’ai cru à un twist final complètement improbable, le twist final de la mort, le twist final qui fait qu’on ne comprend plus rien. Mais non… De cette fin un peu bâclée, on nous aura au moins épargné le rebondissement auquel personne n’aurait cru. La toute dernière image (pendant le générique de fin) est également un peu bizarre : est-ce un clin d’œil ? Est-ce autre chose ? J’avoue ne pas être certaine d’avoir compris ce tout dernier plan. Il est arrivé à Shyamalan de reussir ses fins (« Incassable », « Le sixième sens », « Le village ») ou bien se les louper (« Signes », « Phénomènes ») et bien, dans le cas de « Split », on est l’entre-deux, ce n’est pas une fin reussie, ni une fin complètement loupée, c’est une fin inaboutie, un poil bâclée même. C’est dommage car l’idée de départ, la performance d’acteur, le soin esthétique apporté à « Split » méritait mieux qu’un scénario au gout d’inachevé.
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