/image%2F0902697%2F20160529%2Fob_05ba65_un-homme-a-la-hauteur.jpg)
Il ne lui manque pas grand-chose à Alexandre, pour être l’homme idéal aux yeux d’une jeune femme divorcée et qui a encore toute une vie à refaire devant elle. Il est charmant, drôle, inventif et spontané, cultivé mais pas pédant. Architecte de talent, il gagne sa vie avec aisance et divorcé lui aussi, il est libre ! En réalité, cet homme qui lui rapporte le portable qu’elle a oublié en terrasse pourrait facilement la faire craquer, s’il ne lui manquait pas 40 cm, et si ces maudits 40 cm n’étaient pas si importants… aux yeux des autres !
Et bien il est charmant, le film de Laurent Tirard, il est drôle, inventif et spontané, à l’image du personnage d’Alexandre campé avec beaucoup de justesse par Jean Dujardin. Et même si la trame narrative est sans surprise, si la fin est un peu (beaucoup) cousue de fil blanc, je n’ai pas envie d’être trop sévère avec « Un homme à la hauteur » parce qu’en entrant dans la salle de cinéma, je n’avais pas trop le moral et qu’à la fin du film, ça allait nettement mieux, et cet effet là, tous les films ne vous le font pas ! Le gros atout du film de Tirard, c’est évidemment son couple vedette, auquel on croit d’emblée tellement ils sont parfaitement assortis. Virginie Efira n’en finit pas de construire sa carrière cinématographique avec intelligence, mine de rien et sans faire d’esbroufe ou de coups d’éclats, elle se compose une filmographie très honorable et elle est toujours très juste, mêlant avec subtilité le mélange humour/sensibilité. C’est exactement la même chose pour Jean Dujardin, sur lequel tout a déjà été dit et écrit, et dont je répète inlassablement depuis des années (depuis « Le convoyeur » de Nicolas Boukhrief) qu’il peut tout jouer dans tous les registres sans jamais être à côté de la plaque. A leurs côtés, et alors que les deux rôles titres sont plein de finesse, les seconds rôles sont un poil stéréotypés, surtout ceux tenus par Stéphanie Papanian et Cédric Kahn. Les comédiens ne sont pas en cause, c’est juste que ces deux personnages sonnent un peu « too much » pour faire crédible. Côté réalisation, rien à redire, sinon que le choix de raccourcir (façon de parler, évidemment…) à l’écran Jean Dujardin est plutôt techniquement bien faite alors que j’imagine que c’est bien moins facile que ça en a l’air. Etonnamment, tout est immense autour de lui : sa maison, son fils, ses amis, le chien de son fils, comme si Laurent Tirard avait eu besoin de cela pour accentuer sa différence. C’est un parti pris étonnant et que l’on peut discuter. Je n’en voyais pas tellement l’utilité, si ce n’est celle de créer un décalage permanent (comme si on allait oublier ces fameux 40cm à un moment ou l’autre !) ou bien donner l’occasion de running gag (le coup du chien). Ce n’est pas le principal intérêt de « Un homme à la hauteur », j’en conviens. Le scénario, qui part d’une intention fort louable et jamais inutile (l’acceptation de la différence), fait des efforts pour insuffler de la nuance, de la sensibilité, de la complexité, bien au-delà de ce qu’on pourrait imaginer quand on voit la bande annonce. Le personnage de Diane, une fois tombée amoureuse, est en permanence agressé par le regard des autres. Sa gêne en société, qui sonne terriblement vraie (il faudrait être bien naïf pour imaginer le contraire), la plonge dans une souffrance qui va en s’accentuant, elle se voit passer à côté d’une belle histoire qui va lui demander bien trop : plus elle aime, plus elle souffre de l’aimer, c’est une sorte de spirale qui sonne assez juste, je trouve. Alexandre, lui, camoufle la souffrance d’être différent sous un air détaché, un humour ironique bourré d’autodérision mais qui finit par sonner faux : on peut jouer la comédie un peu, beaucoup, mais pas toujours, la réalité vous rattrape inévitablement. Ces 40 cm finissent par prendre toute la place, malgré leurs sentiments, malgré leurs efforts. La peur de blesser l’autre, de ne jamais savoir comment réagir, quoi dire et quoi taire, tout cela est fort bien montré par le film et c’est une bonne surprise. Maintenant, la trame narrative de « Un homme à la hauteur », je l’ai dit, est elle sans surprise. Comme 80% des films qui parlent d’histoire d’amour ou d’amitié, son scénario à la forme de la « racine carrée inversée ». Je m’explique : quand vous inversez une racine carrée, vous obtenez un plateau bien lisse (tout va bien, on se découvre, on se charme, on s’apprivoise puis on s’aime), puis une chute brutale (un malentendu, un quiproquo, une dispute ou un différent irréconciliable et on se sépare et on souffre) puis on remonte brutalement au niveau initial (on se rend compte qu’on ne peut pas vivre séparément et on se retrouve de façon spectaculaire et/ou romantique et/ou dramatique). C’est une trame narrative utilisée jusqu’à la corde que j’ai du voir 1000 fois, une sorte de « cahier des charges » de l’histoire d’amour au cinéma, on y coupe bien trop rarement à mon goût et dans « Un homme à la hauteur », on n’y coupe pas ! Du coup, le dernier quart d’heure donne dans un classicisme terrible, avec ses fils blancs « coutures apparentes » et ses situations improbables auxquelles on fait semblant de croire et qui semblent un peu « parachutée ». Mais ne je veux pas être sévère avec le film de Laurent Tirard que j’ai trouvé fort agréable, rythmé, drôle et sensible à la fois et devant lequel j’ai passé un joli moment plein de romantisme.
Pour ce qui concerne la théorie de la « racine carrée inversée », parce que je sens bien que ça vous interroge, je précise que c’est une invention toute personnelle forgée à partir de mon appétit cinématographique. Ne cherchez pas sur Wikipédia, ca n’existe que dans ma petite tête ! Mais bon, je pourrais peut être le faire breveter un jour, qui sait…
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19562054&cfilm=235380.html