Le coin des livres : Sacrifices

Pierre Lemaitre est un auteur de polar qui se bonifie avec le temps : « Travail soigné » m’avait laissé un souvenir agréable, « Alex » un très bon souvenir mais le troisième volet de la trilogie Verhoeven « Sacrifices » m’a carrément passionné. Anne, la nouvelle compagne du plus atypique (et plus malchanceux) flic du 36 Camille Verhoeven, est par hasard témoin du braquage d’une bijouterie et battu quasiment à mort par l’un des braqueurs. Gravement amochée, elle est la seule à avoir vu les visages des braqueurs, elle est donc sérieusement en danger. Pour la protéger, Camille va tout tenter, jusqu’à mettre sa déontologie, sa carrière, ses amitiés et ses soutiens gravement en péril. Mais plus il avance dans ses recherches, plus cette histoire simple en apparence se complique et commence à ressembler à autre chose qu’un simple braquage. C’est visiblement le tout dernier volume de la trilogie, on va devoir dire au revoir au commandant Verhoeven, à son handicap, à ses méthodes, à ses démons aussi, et il va nous manquer. Si « Alex » peut être lu indépendamment des autres volumes, celui-ci nécessite quasiment impérativement d’avoir lu et d’avoir bien en tête « Travail soigné » car plus l’intrigue avance et plus les références avec le premier volume se font précises et importantes. Le style précis, sec, très efficace (mais non dénué d’humour) de Lemaitre fait merveille, difficile de décrocher. Son tueur est déterminé mais ses motivations sont mystérieuses (contrairement à ce qu’on pourrait croire de premier abord) et son identité est un choc, et honnêtement je ne l’avais pas vu venir et je crois que personne ne peut le voir venir. Le personnage d’Anne force au début le respect et la compassion avant de devenir plus trouble. Quant à Camille, il se lance dans une traque qui lui fait perdre toute mesure : les procédures sont oubliées, la déontologie laissée au placard et plus il avance plus il s’enfonce dans ce piège qu’il s’est lui-même tendu. Un style efficace, des personnages contrastés (chez Lemaitre, les victimes ne sont pas toujours innocentes et les coupables si coupables !), une histoire qui se complexifie sans jamais devenir tortueuse, un souci de crédibilité permanent (et louable), une scène d’ouverture d’une force incroyable : « Sacrifices » à le titre qu’il faut, la couverture qu’il faut, un polar de grande qualité !