Critique cinéma : Le Tout Nouveau Testament

J’attendais beaucoup du dernier film du belge Jaco Van Dormael, grâce à une bande annonce très efficace, un scénario fort prometteur et à un casting épatant : Yolande Moreau, François Damiens et surtout Benoit Poolvoerde. Van Dormael offre à Poolvoerde un rôle à la mesure de son talent, de son charisme et de son extravagance : Dieu avec un D majuscule, le Dieu unique, Dieu quoi… Ca promettait de faire très mal… !

Dieu existe et il habite à Bruxelles. Il a une femme qu’il humilie en permanence et une petite fille de 10 ans qu’il maltraite. Oui, Dieu est un sale con (voilà, le blasphème, c’est fait… !) qui ne prend son pied qu’à pourrir la vie des humains qu’il a crée : un vrai beauf qui n’aime personne, picole et roupille devant la tété allumée sur les chaines sportives. Son fils ainé a fait une fugue il a longtemps, il s’est barré et çà a mal finit alors pas question de laisser sa fille sortir de son appart. La gamine décide de fuguer à son tour pour se trouver des apôtres à elle et écrire son propre testament. Mais avant, elle balance à toute l’humanité les dates précises des décès de chacun, créant un immense bordel sur la planète toute entière.

On ne va pas créer un faux suspens autour de ce film, pour moi c’est une vraie grosse déception. Et pourtant çà ne partait pas mal du tout, le premier quart d’heure est réussi, c’est grinçant, c’est drôle, c’est subversif. Mais passé cette première bonne impression, le film part à la dérive pour tomber une espèce de fable onirique, de conte philosophique qui semble interminable, qui n’est pas franchement passionnante et laisse au final une impression très étrange, assez désagréable mais aussi assez difficile à décrire. Jaco Van Dormael, qu’on a connu nettement plus inspiré, n’arrive pas à choisir entre la comédie pure et la fable philosophico-surréaliste. Il semble vouloir tout mêler, alterner les scènes de pure comédie avec des scènes « spirituelles », voire poétiques mais aussi avec des scènes à la limite de l’absurde qui sont presque incompréhensibles quand elles ne mettent pas carrément mal à l’aise. A force de vouloir tout mélanger, Van Dormael ne réussit qu’à nous offrir un patchwork étrange et presque illisible. Le casting n’est pas en cause : François Damiens, Catherine Deneuve ou Yolande Moreau sont très bien, encore que Yolande Moreau aurait pu être mieux servie que par un scénario où on lui fait jouer une bécasse qui n’arrive pas à aligner deux mots. Quand on a sous la main une actrice comme elle, on lui donne de quoi jouer sinon c’est du gâchis. Pili Groyne, qui joue Ea la fille de Dieu, est très mignonne et fait de son mieux mais elle donne parfois l’impression de réciter un texte trop élaboré pour elle. Et Poolvoerde ? Il fait du Poolvoerde et c’est ce qu’il fait le mieux au monde. D’ailleurs, les scènes les plus drôles, les plus intéressantes, les plus acides sont celles où il apparait mais çà ne représente que 10% du « Tout Nouveau Testament », c’est bien trop peu ! Van Dormeal à soigné la forme, c’est sur, il multiplie les jolis plans, les montages surréalistes, il lorgne du côté de Jean-Pierre Jeunet (une sacré référence à mes yeux, je suis fan de JPJ !), adopte un ton volontairement décalé, manipule les décors naturels, etc… Parfois c’est réussi, c’est beau même (les nuées d’oiseaux), parfois çà lorgne du côté de la peinture (l’accolade dans le miroir, on dirait du Magritte). Mais il semble abuser par moment de ces jolies trouvailles de réalisateur, il donne l’impression de « se faire plaisir » en multipliant les exercices de style de ce genre. Mais ce n’est pas le plus gros défaut du « Tout Nouveau testament », son principal problème, c’est son scénario. Construit en chapitres (la Genèse, l’Exode, l’Evangile de Machin, de Truc…), le scénario s’intéresse plus aux 6 apôtres choisis au hasard par Ea qu’à elle-même ou qu’à son illustre et omnipotent paternel. Et les histoires de ces pauvres apôtres d’un genre nouveau sont très moyennement intéressantes, pour ne pas dire carrément navrantes comme dans le cas de Martine-Catherine Deneuve ou de Marc-Serge Larivière. A multiplier les scènes pleines de poésie (quitte à flirter avec la mièvrerie par moment), tout en les alternant avec des scènes presque malsaines de sexe, de violence et d’absurdité, Van Dormael cherche à prouver quoi, à toucher qui ? Franchement, à mes yeux son film est quasiment illisible, son propos abscond et sa réalisation très décalée pourrait passer pour une réalisation maniérée tant Van Dormeal en fait trop ! Seulement sauvé par un casting irréprochable et un Benoit Poolvoerde à la hauteur de son rôle, il ne reste au final qu’une poignée de scènes drôles et subversives, perdues dans un océan de « on ne sait pas trop quoi » !

Pour moi, Jaco Van Dormael passe à côté d’un vrai sujet : que devient l’homme quand il connait exactement l’heure de sa mort, que devient la société tout entière peuplée d’hommes et de femmes qui connaissent le temps qui leur reste avec précision ? Le sujet est effleuré par « Le Tout Nouveau Testament » mais juste effleuré alors qu’il y avait là un vrai bon sujet de réflexion et de scénario. Ca aurait été un sujet bien plus passionnant que le destin des 6 pauvres hères un peu (beaucoup) loosers désignés apôtres par hasard !

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