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Ce n’est pas le Goncourt 2013 que j’ai eu envie de lire, mais un roman de Pierre Lemaître qui ne serait pas, pour une fois, un polar ou un thriller. « Au revoir là-haut » est un monument, un pavé imposant qui ne laissera aucun de ses lecteurs indifférent. Edouard et Albert sont blessés dans la même tranchée à quelques jours de l’armistice de 1918, le premier est défiguré et le second traumatisé pour le reste de sa vie. Cette attaque idiote à été initiée par leur supérieur, Pradelle, qui avait besoin de cette ultime et dérisoire attaque pour asseoir sa situation militaire. Les deux soldats, rendus à la vie civile, se sentent liés l’un à l’autre et tente de se reconstruire dans la France de 1919. Mais cette France là, obnubilée par l’honneur qu’elle doit à ses morts, traité bien mal ses blessés et ses survivants. Dans la gueule cassée d’Edouard nait alors l’idée d’une escroquerie aussi géniale qu’immorale, une façon ultra cynique et flamboyante de se venger de cette société qui a détruit son visage et sa vie. De son côté, rendu à la vie civile aussi, Pradelle fait des affaires… sur le dos des morts ! Le roman de Pierre Lemaître, c’est le roman de la France de 1920-1920, une France saignée, d’une France où tout le monde a perdu un frère, un mari, un fils mais aussi une France qui ne veut pas regarder en face ses blessés, leur reprochant presque d’avoir survécu. C’est aussi le portrait d’une France qui doit tout reconstruire, déterrer les morts ensevelis à la va-vite pour les regrouper en nécropoles et reconstruire un paysage là où tout a été ravagé. Dans cette France là, que Pierre Lemaitre décrit parfaitement se croise et se recroise pour le pire et… le pire les destins des deux soldats et de leur infâme lieutenant Pradelle (une ordure intégrale, et pourtant étrangement crédible !). La lente et bien incomplète reconstruction d’Edouard, le dévouement d’Albert à le soigner, à le sevrer sont très touchantes et l’escroquerie qu’ils montent, bien que parfaitement immorale, nous parait bien peu de chose à côté du prix qu’ils on payé à servir leur pays. En revanche, les « affaires » de Pradelles, elles, sont tout aussi immorales mais difficilement pardonnables, car uniquement motivée par l’appât du gain et le cynisme. Le style de Lemaître est fluide et efficace, les chapitres alternent entre les deux intrigues qui, évidemment, se rapprochent l’une de l’autre quand on arrive au terme du roman. La fin, justement, est une course contre la montre trépidante qui s’achève entre soulagement et larmes, On sent l'auteur de polar qui affleure ! Lemaitre s’adresse parfois directement au lecteur, comme Franck Underwood dans « House of Cards », çà crée une certaine proximité qui fait qu’on s’immerge dans cette histoire sans difficulté et qu’on arrive au bout des 570 pages sans s’en rendre compte ! J’ai entendu quelque part qu’Albert Dupontel préparait l’adaptation cinéma de cette histoire, çà promet… Je recommande plus que chaudement « Au revoir là-haut » qui en plus de tout le reste, à un très beau titre.