Critique cinéma : Take Shelter

Thriller psychologique, ou plutôt thriller « psychiatrique » « Take shelter » nous fait plonger très vite et avec beaucoup de facilité dans une ambiance anxiogène efficace, sans jamais nous donner clairement les clés pour comprendre ce qui se passe à l’écran…

Curtis est un bon père de famille, ouvrier dans une petite ville du sud des USA, tirant un peu le diable par la queue. Il se met un beau jour à voir dans le ciel et à percevoir dans l’atmosphère tous les signes avant coureur d’une tornade, véritable catastrophe naturelle, et à souffrir de cauchemars terrifiants. Le problème, c’est qu’il est le seul à voir ces signes et qu’une partie de lui se demande s’il n’est pas en train de devenir schizophrène pendant qu’une autre partie de lui le pousse à construire un abri anti-tornade dans son jardin, quitte à engloutir des sommes considérables et à se couper de ses amis et de sa famille.

Parfaitement bien réalisé (avec bien peu d’effets spéciaux et aucune esbroufe), et très bien incarné par Michael Shannon (un jeu tout en retenue, très impressionnant et très efficace) et Jessica Chastaing, ce film est aussi modeste qu’il est réussi. Sans jamais donner la moindre piste sérieuse pour deviner si le pressentiment de Curtis est justifié ou s’il est réellement en train de devenir schizophrène paranoïaque, le scénario laisse le spectateur dans l’expectative jusqu’à la dernière image et même au-delà, quand on y réfléchi bien. Le personnage de Curtis, est perpétuellement tiraillé entre l’impression de sombrer dans la folie et l’irrationnel, et le sentiment d’urgence face à la menace qui arrive. Alors bien sur, comme on est devant un drame psychologique et pas devant un film catastrophe, il y a des silences (et même quelques scènes qui tirent un peu sur la corde, dans l’abri notamment), bien peu d’action et beaucoup de sensations difficiles à décrire ici. C’est un film sur le ressenti et il est très difficile d’en parler de façon claire avec des mots simples. Si bien que je pense que ce n’est un film qui ne plaira à tout le monde, trop psychologique pour les amateurs de films rythmés, pas assez lisible pour les esprits cartésiens, etc… Mais si on se laisse gagner par l’atmosphère anxiogène de « Take shelter » sans attendre de ce film qu’il nous dise quoi penser, alors c’est un moment de cinéma particulier et très intéressant…

On m’avait dit que la toute dernière image était saisissante et je m’étais imaginé qu’elle donnait la clé du film, pour déterminer si Curtis était fou ou juste visionnaire. Si, en effet, cette dernière image est particulièrement importante, elle ne donne finalement pas la clé du film, quand on y réfléchi bien… Curtis a fait tout au long du film des cauchemars tellement terrifiants qu’il n’est pas interdit d’imaginer (c’est la liberté du spectateur, en fin de compte) qu’il ne s’agit que d’un cauchemar de plus !

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