Critique cinéma : Polisse

« T’es de la police ou quoi ? » ou le quotidien de la Brigade de Protection des Mineurs de Paris vu par Maïwen, cinéaste audacieuse et primée à Cannes pour ce film à la limite du documentaire, cru et implacable, sur la misère humaine. « Polisse », c’est un film coup de poing dans la gueule qui nous laisse complètement sonné à la sortie de la salle.

Le film montre une brigade de la BPM de Paris et son quotidien, entre l’enfance maltraitée, l’enfance abusée, l’enfance délinquante aussi. Une brigade faite de policiers passionnés par un métier ingrat qui les plonge au tréfonds de ce que l’âme humaine à de plus noire, des policiers en proie à leur problèmes personnel, leurs névroses et leurs états d’âme.

Pas d’intrigue centrale dans ce film qui, comme « L627 » de Bertrand Tavernier (qui lui traitait admirablement bien de la brigade des stups) mais une succession de cas, certains presque anecdotiques, certains déchirants, certains franchement insoutenables. Je défie qui que ce soit de ne pas être atterré devant certains cas à l’écran, je défie qui que ce soit dans la salle de ne pas se dire en son fort intérieur « Non, ce n’est pas possible, CE N’EST PAS POSSIBLE !!! » et pourtant si, c’est possible et les flics de la BPM, quoi qu’on puisse en penser, n’arrive pas vraiment à s’y habituer ! Sans jamais rien montrer de violent ou d’insoutenable, en ne misant que sur l’imaginaire du spectateur, ce qui est bien plus terrible et plus efficace, Maïwen touille le fond du fond de l’inhumanité. Au final, cela donne un film qui colle tellement au réel que ça en donne le tournis, on passe du rire aux larmes en un clin d’œil, on est atterré, on est écœuré, on est révolté, on est désespéré aussi. Au cours de cette séance (2h10, mais ça passe tout seul !), je crois être passé par tous les états pour en sortir sonnée comme un boxeur qui aurait pris un bel uppercut ! Il faut dire que la toute fin du film, aussi choquante qu’inattendue, et qui nous laisse avec beaucoup d’interrogations, est presque le KO final pour le spectateur ! L’interprétation est juste incroyable : Karin Viard parfaite (comme toujours, elle fait partie de ces actrices qui ne sont jamais un cran en dessous), Marina Foïs bluffante, et Jeremy Elkaïm, Nicolas Duvauchelle, Frédéric Pierrot et les autres… Mais c’est Joey Starr qui impressionne le plus. Peut-être parce qu’il s’agit somme toute d’un acteur débutant, au passé judiciaire que l’on connait et à l’image que l’on sait. En flic écorché vif, il est tellement bon et juste qu’il m’a laissé sans voix… Qu’il cloue sur son siège une petite conne qui se la joue, qu’il drague de façon musclée (mais visiblement efficace) une belle photographe ou qu’il console un tout petit bonhomme qu’on arrache à sa mère, dans un registre comme dans l’autre, rien à dire, c’est juste ! Impressionnant… Alors évidemment, le film n’est pas exempt de petits défauts : le personnage que s’attribue Maïwen ne trouve vraiment jamais sa place dans le film, certaines digressions sont inutiles et parfois un peu longues mais peu importe. La vie personnelle des policiers, ô combien bousculée par leur journées de boulot, n’est pas développée pour tous les protagonistes, si on voit bien celle d’Iris (Marina Foïs et ses troubles alimentaires), de Fred (Joey Starr et son couple qui part en vrille ) ou de Nadine (Karin Viard et son divorce à contre cœur), on aurait aimé que les autres aient aussi le même traitement, que leurs états d’âme apparaissent un peu plus criants, on ne fait que les deviner, dommage… Mais passons sur ces petits défauts, « Polisse » est un moment de cinéma assez inoubliable pour un public adulte quand même averti et préparé psychologiquement.

Petit détail anecdotique pour finir, j’aime beaucoup l’affiche du film. Et je crois l’avoir déjà dit, une belle affiche est emblématique du soin qu’on apporte à un film…

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