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Le moins que l’on puisse dire, c’est que pour moi « La French » ne partait pas gagnant. J’ai beaucoup hésité avant de donner sa chance à ce film, parce que moi, les films sur le grand banditisme, les gros sous, les trafics, la mafia, çà n’est pas mon truc. D’ordinaire, je n’y comprends pas grand-chose et je ne fais pas beaucoup d’effort pour çà vu que çà ne m’intéresse pas vraiment, j’aime les polars, mais pas ceux-là ! Mais j’adore Jean Dujardin, j’aime bien Gilles Lellouche et je crois beaucoup au renouveau du polar français sur grand écran depuis une dizaine d’année avec des réalisateurs comme Fred Cavayé ou Eric Valette. Alors, je me suis lancée à l’assaut de la « French Connection » de Cédric Jimenez.
« La French », c’est, de 1975 à son assassinat en 1981, le combat du juge d’instruction Pierre Michel contre les derniers soubresauts de la « French Connection » à Marseille. Dans les années 70, Marseille devient la plaque tournante mondiale du trafic d’héroïne, arrosant une grande partie de l’Amérique du Nord d’une came quasi pure et terriblement meurtrière. C’est Gaétan Zampa, qui tient tout : l’importation de la morphine, la transformation en héroïne, l’export vers les USA, plus tous les commerces florissants de la ville pour blanchir ses millions. Pierre Michel, un juge très opiniâtre aux méthodes peu conventionnelles, est nommé juge du grand banditisme et entreprend de faire tomber Zampa et de démanteler la French, quoi qui lui en coûte…
Ce que je craignais en entrant dans la salle de cinéma, c’était surtout de m’ennuyer rapidement de « lâcher » le film (qui dure près de 2h15 quand même !) au bout d’une heure. Je craignais d’être vite embrouillée dans les arcanes complexes du trafic de drogue et toute la machinerie de blanchiment qui va avec. Et j’avais un peu peur aussi de ne plus comprendre au bout d’un moment la logique des règlements de compte, des trahisons inhérentes à ce genre de film. Bref, je redoutais un polar tortueux à l’ancienne, violent et sentant le souffre jusqu’à l’écœurement. Et bien, j’avais tort, j’avais bien tort ! Le film de Cédric Jimenez bénéficie d’un scenario limpide, d’une narration très linéaire et qui ne perd jamais personne en route. Ca dure plus de 2h et pourtant, le film reste toujours sur le même rythme, à quelques très rares exceptions près. Honnêtement, il parvient à nous intéresser franchement et dans mon cas, ce n’étais pas gagné d’avance ! Il s’offre même le luxe d’un humour discret et bien dosé. C’est réalisé avec beaucoup de soin, les scènes les plus intenses étant particulièrement bien filmées. Il y a quelques scènes « caméra à l’épaule » un peu chaotiques (l’assaut de la villa, vers la fin) mais elles ne durent pas longtemps et c’est un choix de réalisation qui se défend tout à fait. L’habillage musical est très sympa aussi, mélange de composition originales de Guillaume Roussel efficaces et de chansons de l’époque (Blondie, Nancy Sinatra, Kim Wilde…). Quant à l’interprétation, je ne trouve absolument rien à y redire non plus. Jean Dujardin peut tout jouer, je l’ai déjà dit plein de fois et il le prouve à chaque film. Gilles Lellouche est très sobre et très juste dans un rôle qui aurait pu pourtant très vite le faire tomber dans la caricature. A côté, Guillaume Gouix (encore dans un rôle de flic !), Bernard Blancan, Gérard Meylan, Céline Salette et les autres sont parfaitement à leur affaire aussi. Je serais plus réservée sur le rôle tenu par Benoit Magimel. Je l’aime bien, Magimel, et j’avais de la peine pour lui : on lui a donné à jouer une caricature de truand qui fait presque plus rire que peur ! Chemise ouverte jusqu’au nombril, bedonnant, dent de requin autour du cou retenu par une grosse chaine en or, il parle avec les mains à la limite du cliché, son personnage est l’archétype du truand marseillais tel… tel que plus personne ne veut en voir au cinéma ! C’est le seul rôle du casting qui tombe dans l’exagération et le cliché. Le reste, même chez les flics marseillais qui ne sont pourtant pas à la fête, reste dans la limite du crédible. « La French » ne se contente pas de montrer par le menu l’obstination d’un juge intègre à démonter un système mafieux. Le film de Jimenez met en lumière la frilosité de la justice marseillaise, la compromission des politiques marseillais (et notamment de Gaston Deferre, maire de Marseille au début du film, Ministre de l’Intérieur et premier flic de France à la fin), la corruption de la police, l’implication des Corses, l’héritage du SAC dans tous le système mafieux marseillais. Alors il le fait par petites touche, l’air de rien, avec un certain cynisme aussi, sans trop en dire mais en en disant un peu quand même… Il ne va pas assez loin pour faire de son film un brûlot, Jimenez, çà n’est pas Costa-Gavras, il n’explique pas ce qu’était le SAC par exemple (et tout le monde ne le sais pas), il reste évasif sur l’entourage de Deferre. Mais bon, je peux comprendre sa démarche : il a conçu son film comme l’affrontement presque personnel de deux hommes presque comme un western, pour lui garder son intensité dramatique et sa lisibilité, c’est là encore un parti pris qui se défend. Il a même imaginé, pour rester dans cette ambiance western, une rencontre entre Michel et de Zampa au soleil couchant, qui n’a jamais eu lieu dans la réalité, et qui fait très « Duel au soleil » ! En résumé, pas grand-chose à reprocher au film de Cédric Jimenez, bien réalisé, bien écrit, bien interprété, tiercé gagnant !
Il y a vers la fin de « la French » une scène qui n’a l’air de rien, qui dure moins d’une minute, qui est au premier abord anodine mais qui, quand on y pense, à du sens. Dans sa boite de nuit, Zampa refuse qu’on passe « Cambodia » de Kim Wilde en disant que c’est de la merde (ce qui n’est pas vrai, déjà…) et il se fait huer, il préfère Nancy Sinatra ou même Blondie. Gaétan Zampa, en 1981, est déjà un homme du passé, sa chute est programmée, elle est inévitable, et au fond de lui, au travers de cette scène tout à fait anecdotique, il le sait déjà…
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