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Adaptation d’un livre de Bernard Schlink (que je ne connais pas et que je n’ai pas lu), « The Reader » est un film assez austère sur la honte et la culpabilité qui n’est pourtant quasiment jamais ennuyeux et qui suscite intelligemment la réflexion.
Michaël Berg a 15 ans à Berlin en 1958 lorsqu’il fait la connaissance d’une femme de 35 ans plutôt modeste, Hannah, dont il devient rapidement l’amant. Parce qu’elle insiste, il passe beaucoup de temps avec elle à lui faire la lecture de toute la littérature qui lui tombe sous la main. Puis un jour, elle disparait subitement, le laissant désemparé. Quelques années plus tard, étudiant en droit, il assiste à un procès d’anciennes gardiennes de camp de concentration et retrouve Hannah sur le banc des accusées. Le procès tourne mal pour elle, Michaël va t’il avoir le courage de lui apporter son aide maintenant « qu’il sait » ?
Oscar de la meilleure actrice pour la très belle performance de Kate Winslet, à peine maquillée, vieillie et bouleversante dans ce rôle si ambigu, c’est son interprétation qui retient surtout l’attention. J’aime de plus en plus cette actrice anglaise qui ne choisi vraiment pas la facilité depuis ses débuts époustouflants dans « Titanic ». Elle est épaulée par le jeune acteur David Cross (très bon) et le plus célèbre (et très sobre) Ralph Fiennes. C’est assez ironique de voir ce dernier dans le rôle d’un allemand torturé par les crimes de ses pères et soumis malgré lui au poids de la honte quand on se souvient qu’il a lui-même composé un gardien de camp de concentration (et de quelle manière…) dans « La liste de Schindler ». La mise en scène est très sobre, à l’image des décors mais c’est pour mieux servir le propos du film : la honte. La honte d’avouer qu’on ne sait ni lire ni écrire mais surtout la honte des enfants allemands nés pendant ou juste après la guerre. Ceux là même qui devaient se poser des questions sur tous les adultes qu’ils côtoyaient, leurs parents, leur professeurs et sur ce qu’ils savaient, et sur ce qu’ils ont fait ou laissé faire… On imagine assez mal combien cela a du être difficile pour cette génération là, psychologiquement, et c’est très bien illustré dans le film par le personnage de Michaël et des autres étudiants en droit assistant au procès. C’est d’ailleurs toutes ces scènes de procès qui m’ont le plus « parlé », les explications d’Hannah sur son attitude à Auschwitz laissent une impression terrible : avec quelle facilité et quelle bonne conscience une personne normale devient un bourreau quand les circonstances sont réunies, ça fait vraiment froid dans le dos ! Et ces scènes de procès, et plus précisément l’interrogatoire d’Hannah, ne peut laisser personne indifférent ! D’autres scènes se veulent aussi fortes, celle de la visite du camp (dans un silence absolu et assourdissant) et la rencontre de Ralph Fiennes avec la seule rescapée de la marche de la mort, mais elles sonnent un peu trop comme des scènes « obligées », comme si le scénariste avait peur qu’on finisse par ressentir de l’empathie pour cette gardienne de camp si « normale ». Qu’il se rassure, moi, malgré toutes les belles et indéniablement émouvantes scènes de prison de la deuxième moitié du film, je n’arrive pas à ressentir vraiment de l’empathie pour cette femme. Je devrais plutôt dire, « je n’arrive plus à ressentir de l’empathie pour cette femme», à l’image du jeune Michaël devenu adulte. Notre regard sur elle change en même temps que le sien, et rien de ce qu’elle dire ou fera ne nous fait revenir en arrière… Et là, on touche du doigt, et seulement du bout du doigt, le sentiment de désarroi et de honte absolu qu’a ressenti la jeunesse allemande des années 60 face à leurs propres parents.
Pour finir, je dirais qu’il est assez courageux de la part des distributeurs du film d’avoir osé sortir un film comme cela au cœur de l’été 2009 et de parier ainsi sur l’intelligence du public. Il n’est écrit nulle part que, l’été, on ne devait aller au cinéma que pour voir des blockbusters bourrées d’effets spéciaux ou des comédies aux grosses ficelles !
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