Leur amour est sincère mais Juliette et Émile sont trop mal assortis. Elle est une toute jeune fille rangée, mutique, presque passive, fille d’une famille aimante et soucieuse de lui donner une bonne éducation, pour pouvoir ensuite faire un beau mariage. Lui est un petit gars très modeste élevé à la dure, sûr de lui mais trop à fleur de peau. Comme leur amour est impossible à Nevers, où tout le monde les connaît, ils s’enfuient à Paris avec seulement quelques centaines de francs en poche. Le père de Juliette se lance alors à leur poursuite, les traquant dans la capitale, tout en se redoutant que tout cela finisse dans le drame.
Georges Simenon, en choisissant « Les Suicidés » comme titre pour son petit roman, scelle d’emblée le destin des deux jeunes gens qui servent de héros tragiques à son récit. Quand bien même il n’aurait pas choisi ce titre-là, on sait très vite, presque immédiatement, que cette histoire finira mal. Il dresse le portrait de deux très jeunes gens (22 et 17 ans) qui, au début des années 30, font fi des convenances et décident de s’aimer, qui quitter la petite ville pour la grande, ce qu’ils croient être la petite vie pour une plus grande. Pour être plus précis, c’est Émile qui choisit (de mal) aimer, car la pauvre Juliette est passive, sans aspérité, suiveuse, presque perpétuellement absente comme extérieur à sa propre vie. Quant à Émile, pour le dire rapidement, c’est un raté qui ne réussira rien (pas même son suicide). L’intrigue alterne entre les deux amoureux, qui végètent à Paris dans des petits meublés car Émile flirte avec le petit banditisme sans en avoir l’envergure. Et d’autres chapitres sont consacrés au père de Juliette, qui arpente Paris et fait ce qu’il peut pour retrouver sa fille avec l’aide d’un détective privé. Le roman est court, plutôt ancré dans l’époque pendant lequel il a été écrit (1934) et forcément, tout apparaît un petit peu daté : les relations parents-enfants, les relations hommes-femmes par exemple. Le double suicide de la fin est moins un double suicide d’un féminicide suivi d’une tentative de suicide car c’est Émile qui propose, c’est Émile qui dispose, c’est Émile qui décide de comment tout cela doit finir. Pour Juliette, ce sont les hommes qui décident de tout, son père, son compagnon, mais elle ne semble pas avoir d’avis, de projet, de pensées élaborées même ! Tout cela est un petit peu déroutant pour un lecteur moderne et encore plus pour une lectrice ! Le roman se termine en pleine action, sur une incertitude. C’est ma deuxième incursion chez Simenon après « Le Haut Mal », un roman qui m’avait parlé davantage, sans être pour autant plus moderne. Celui-ci m’a moins intéressé, je l’ai lu en deux jours en prenant mon temps et sans jamais réussir en prendre la mesure.