Il y a un peu plus de 20 ans, alors qu’elle était jeune et fragile, Vera a donné naissance à un petit garçon. Les médecins lui ont assuré qu’il était mort né. Aujourd’hui elle sait qu’il n’en était rien, elle sait que son bébé a été vendu à d’autres parents. Condamné à court terme par une maladie incurable, elle a désormais deux buts : retrouver son fils et se venger de ceux qui lui ont volé son destin de mère.
Le réalisateur espagnol Victor Iriarte avait entre les mains deux actrices de premier plan et un sujet en or : le trafic des bébés volés espagnols, entre 1940 et 1990. En qu’en fait-il ? Sur la forme, il produit un film éthéré, lent, maniéré pour ne pas dire poseur, et sur le fond, il se loupe également. Le film fait à peine 1h50 et il paraît en durer le double ! Iriarte multiplie les scènes inutiles et de surcroît, il les étire inexplicablement : un doigt se promène sur une carte puis sur les rainures d’une table en marbre, des mains pianotent un clavier, des élèves en sténographie fond des étirements, un piano joue tout seul, un train passe au loin, un funiculaire s’élève dans les airs, une lumière verte se ballade sur un mur, etc. Le film est parsemé de scènes lentes, hors contexte, mutiques, qui durent et durent encore. S’il faut y voir un symbolisme quelconque, c’est raté pour moi. J’ajoute à cela des voix off qui remplacent les dialogues pendant toute la première partie du (trop) long métrage, une absence quasi totale de musique et des choix de mise en scène incompréhensibles. Par exemple, l’écran se résume à un rond (comme un hublot) pendant au moins 20 minutes, sans justification, sans explication. Que retirer de tout cela ? L’impression désagréable d’un réalisateur qui se regarde tourner comme d’autres s’écoutent parler : « Avec des plans comme çaaaa, Coco, c’est Cannes assuré... ». La photographie est assez laide, même quand il filme la très belle ville de San Sebastian, le grain de l’image est grossier et même quand Victor Iriarte utilise des images d’archive avec une (très faible) velléité de dénoncer le passé franquiste, il le fait sans convictions, sans les appuyer d’aucune parole, d’aucun dialogue, d’aucun début de commencement de pédagogie sur le sujet. Dans toute cette mixture cinématographique (indigeste en ce qui me concerne), son sujet central se retrouve dilué, dénaturé, jusqu’à quasiment disparaître. Pendant la période franquiste qui volait les bébés à qui et pour les confier à qui ? Et dans quel but, idéologique, mercantile, les deux ? Pourquoi tout cela a continué jusque dans les années 90 alors même que l’Espagne avait intégré d’UE et était devenue une démocratie ? Ne comptez pas sur « Dos Madres » vous vous donner le début d’une piste ni même l’ébauche d’une réelle dénonciation. Ici, il n’est question que d’amour maternel, de regrets, et autres sentiments diffus. Les pères sont totalement absents, pas même une allusion, ici la parentalité c’est la maternité point barre ! Le reste est visiblement superflu, ces messieurs apprécieront. Autre interrogation, le scandale du vol de bébé s’est terminé au cours des années 90, or le film se déroule de nos jours (smartphones et autres accessoires très modernes) et le jeune Egoz à 20 ans environ ? Le timing colle assez mal avec la réalité des faits établis, sauf à imaginer que le scandale s’est poursuivi et peut-être même dure encore. Si c’est ce qu’il fallait imaginer, alors il aurait fallu appuyer là-dessus, étayer le propos, consacrer quelques scènes ou au moins quelques dialogues sur la question, soulever le scandale : parce que là, sans rien de tout cela, on a juste à faire à un anachronisme. Les deux comédiennes, les pauvres Ana Torrent et Lola Dueñas, ne peuvent pas à elles seules sauver le film de l’ennui. Avec ce qu’on leur a donné à jouer, elles font tout ce qu’elles peuvent. C’est un peu pareil pour Manuel Egozque qui joue le rôle un peu falot d’Egoz. En réalité, entre réalisation poseuse, direction d’acteurs atone et scénario qui semble n’aller nulle part, « Dos Madres » est un film qui ne parvient pas à susciter l’intérêt, qui ne rend pas ses personnages attachants (alors qu’il y aurait réellement eu de quoi), c’est un film qui m’a laissé complètement sur le bord de la route. En Espagne, le film s’appelle « Sobre todo de noche » ce qui est un joli titre, incompréhensible dans le contexte, mais néanmoins plus élégant que « Dos Madres ». Pourquoi avoir changé le titre pour faire moins bien ? Et pourquoi cette affiche sans âme ? Décidément dans ce film, il n’y a pas grand chose à sauver, même en cherchant bien !