Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Un point c'est (pas) tout

Un point c'est (pas) tout

Blog sur tout ce qui rend la vie plus chouette...


Le coin des livres : Les Hommes ont peur de la Lumière

Publié par Christelle Point sur 5 Octobre 2023, 15:05pm

Chauffeur Uber à Los Angeles depuis qu’il a perdu son emploi, Brendan enchaîne les courses et les clients. II doit conduire de longues heures dans des embouteillages interminables pour gagner à peine de quoi vivre. Catholique d’origine irlandaise, il est marié à une femme qu’il ne comprend plus depuis qu’elle a basculé dans l’évangélisme et dans la propagande « pro life » version violente. Lorsqu’un jour il accepte une course de plus et de conduire Elise, bénévole dans un centre IVG, il assiste à un attentat au cocktail Molotov contre la clinique et à la mort d’un homme, sa vie bascule.

Pour une fois, Douglas Kennedy nous offre un roman court, lui qui d’habitude fait plutôt dans la longueur, quand ce n’est pas carrément dans la saga. Dans « Les Hommes ont Peur de la Lumière », il jette une lumière crue sur son pays, cette Amérique qui le désespère, à la fois celle de l’Uberisation (dans les premiers chapitres) et celle de l’activisme anti-avortement. Cet activisme, qui se sent investi d’une mission divine encouragée par la Présidence Trump et l’abrogation par la Cour Suprême de l’arrêt «Roe vs Wade», Douglas Kennedy la craint autant qu’il la déteste. On peut artificiellement découper son livre en trois parties. La première est une critique acerbe d’Uber et de son modèle économique. Toute cette partie où Brendan enchaîne les courses et les clients est édifiante, ce début est assez court mais il est réussi et pertinent, et le sujet mériterait presque un roman à lui seul. La deuxième partie est elle aussi percutante : au travers de trois personnages (l’épouse de Brenda, et son amie totalement cinglée Thérésa, et Todor le prête faussement modéré), Kennedy dresse le portait d’une mouvance qui, par son outrance, sa violence et son intolérance, fait froid dans le dos. J’aimerais pouvoir écrire ici qu’il exagère, qu’il caricature, qu’il a écrit un pamphlet au lieu d’un roman mais je crains que non, il n’exagère pas, il ne caricature pas. Cette Amérique-là est en perdition et en choisissant comme personnage principal un homme de 60 ans, catholique, peu mobilisé sur la question, tentant d’être ouvert d’esprit et conciliant avec eux avec tout le monde (bref, un type qui ne veux pas choisir de camp), il le fait basculer. Car « Les Hommes ont Peur de la Lumière » c’est surtout l’histoire d’un brave homme qui a renoncé à être lui-même pour ne pas déplaire (à son père, puis à sa femme) et qui se « trouve » enfin à la faveur d’un évènement aussi violent qu’imprévu. La troisième partie verse davantage dans le thriller et je la trouve moins réussie, sans être ratée elle semble moins pertinente. Sans doute Douglas Kennedy est moins à l’aise dans le costume d’auteur de thriller qu’observateur de la société. Quant au dénouement, on peut s’autoriser à le trouver un peu trop « happy end » au vu de ce qui précède. Une fois la dernière page refermée, on se dit qu’on ne s’imaginait pas à quel point le conflit «pro life»/ «pro choice» était crucial, central et emblématique de la fracture qui est en train de miner ce grand pays en profondeur. Franchement, vu d’Europe cela fait peur et donne une image détestable d’une certaine Amérique. Si c’était l‘un des buts du roman, c’est parfaitement réussi !

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents