Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Un point c'est (pas) tout

Un point c'est (pas) tout

Blog sur tout ce qui rend la vie plus chouette...


Le coin des livres : Les Envolés

Publié par Christelle Point sur 19 Avril 2023, 14:56pm

Le 4 février 1912, au petit matin, un tailleur pour dame d’origine autrichienne nommé Franz Reichelt monte sur la rambarde du premier étage de la Tour Eiffel. Il va sauter, devant témoins et devant deux caméras, pour le test ultime d’un costume-parachute de son invention. Il n’a que cela en tête depuis des mois, tout le monde pense qu’il va faire ce dernier test avec un mannequin, c’est d’ailleurs ce qui est indiqué sur l’autorisation de la préfecture de police. Mais c’est bien lui qui enfile le costume, à la surprise générale. Il en est certain, son invention va fonctionner et sauver à l’avenir la vie de tous les aviateurs du monde. En réalité, Franz Reichelt n’a pas l’ombre d’une chance, il sera le premier homme, non pas à voler, mais à mourir devant une caméra.

Avec « Les Envolés », Etienne Kern dresse le portrait tendre et tragique d’un homme qui voulait voler. Rien ne prédestine Franz à l’aventure aéronautique, lui le petit tailleur immigré à l’accent germanique et à l’orthographe hésitante. Il n’est pas plus aventurier que les autres, pas plus orgueilleux que les autres, ni plus intelligent. Mais Franz aime. Au final l’amour aura été le moteur de sa vie, et l’objet de son malheur. Il aimait son ami Antonio qui s’est tué aux commandes d’un appareil volant de son invention, il aimait Emma sa veuve inconsolable, il aimait Alice la petite fille de son employée que la diphtérie a emporté. Il les aimait et voulait les impressionner, les rendre fiers, leur rendre hommage. Son costume-parachute inspiré des ailes de chauve-souris, qui suscite encore aujourd’hui les railleries, ce n’était que cela : une immense preuve d’amour et de gratitude. Etienne Kern, avec ce tout petit roman, nous narre avec beaucoup de tact et même de tendresse la courte vie d’un homme très seul, délicat, empathique dont personne ne saura jamais s’il croyait réellement qu’il sortirait vivant de ce saut de l’ange, ou s’il avait décidé de prendre à bras le corps une mort qui lui tournait autour depuis toujours. Etienne Kern met en parallèle cette chronique d’une mort annoncée avec celle d’une amie à lui, M., qui atteinte d’une maladie incurable, qui a sauté par la fenêtre de son appartement : l’appel du vide, toujours… Il y a quelque chose d’assez déchirant à suivre le parcours inéluctable de cet homme vers sa mort imminente, cet homme au final très douloureusement seul. « Les Envolés », c’est aussi la peinture d’une époque, celle du début du XXème siècle, une époque de croyance optimiste en les progrès de la science, une époque insouciante aussi, passionnée par l’aviation et la possibilité enfin pour l’homme de voler. Nous sommes quelques semaines avant le naufrage du Titanic, premier coup de semonce pour cette époque bénie qui croyait tant aux lendemains qui chantent. Cette époque, c’est Franz Reichelt sur la rambarde le la Tour Eiffel : elle croit au miracle, à la science, au progrès qui résoudra tous les problèmes. Elle ne sait pas qu’il ne lui reste que deux ans avant de sombrer dans le précipice de la Grande Guerre. « Les Envolés » est un tout petit roman très touchant, presque bouleversant, une petite pépite en même temps qu’un délicat hommage à Franz Reichelt, ce héros méconnu à l’étrange moustache.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents