Fabrice, acteur de comédie, devient un matin l’ennemi public n°1. Son crime : avoir oublié sa carte de fidélité à la caisse du supermarché et avoir, dans l’affolement, menacé le vigile et la caissière avec un poireau. Ce crime abominable lui vaut la vindicte des réseaux sociaux et la curée médiatique. Pendant que ses camarades acteurs se demandent s’ils doivent de désolidariser de ce geste fou ou au contraire soutenir leur ami, pendant que se prépare déjà la version cinéma de cette folle cavale, Fabrice erre seul, sans savoir où aller ni vers qui se tourner. Dans le doute, il se dirige vers un endroit sauvage et inhospitalier où il pense pouvoir échapper à la police : la Lozère.
« Zaï Zaï Zaï Zaï » est un film au-delà de l’absurde, il a tellement dépassé la ligne rouge du « n’importe quoi » qu’il ne la voit même plus en se retournant ! Précédé d’une bande annonce qui annonce clairement la couleur, voilà une comédie que certains vont adorer et que beaucoup vont détester, j’en suis certaine. Réalisé par Vincent Desagnat, le film fait le pari insensé de présenter une comédie avec un gag absurde toutes les 20 secondes environ. Avec un tel abattage, il est normal qu’il y ait un peu de déchet et qua certaines situations tournent un peu en rond ou tombe à plat. Mais ce que j’apprécie d’abord, c’est le souci du détail. Dans ce film, il faut avoir l’œil partout car il y a des centaines de détails à remarquer : ici le dessin sur une tasse, là un personnage qui passe en arrière plan, ici un meuble incongru dans une maison, là le portrait récurent et omniprésent d’un type jamais identifié, etc… Je pense que même en étant très attentive, je n’ai pas tout relevé, pas tout remarqué. La musique est enlevée (et je ne parle pas de Joe Dassin qui ne tient qu’un rôle très anecdotique), la réalisation intéressante par moment (l’omniprésence étrange des formes géométriques par exemple), le film est, dans sa forme, pas mal réussi. Il ne dure qu’une 1h25, mais malgré tout il trouve quand même le temps de s’octroyer quelques trous d’air et certaines scènes un peu trop longues. Mais il faut apprécier l’effort d’originalité à tous les étages, jusque dans le générique de fin. Jean-Paul Rouve se retrouve à la tête d’un casting qui part dans tous les sens. Il doit y avoir presque une cinquantaine de grand comédiens reconnus qui jouent dans « Zaï Zaï Zaï Zaï », parfois même leur propre rôle, parfois pour quelques secondes seulement. J’aime bien ce genre d’exercice d’autodérision, par exemple comme cette chanson type « We are the World » pour soutenir le fugitif, composée par un Benjamin Biolay très sérieux. Dans les rôles principaux, outre Jean-Paul Rouve (très bien), il y a Julie Depardieu (un peu moins convaincante), Ramsy Bedia (très vite énervant) ou encore Yolande Moreau (toujours égale à elle-même). Moi je ne trouve presque rien à redire à ce casting pléthorique qui semble s’amuser comme un fou dans ce monde bizarre. Bizarre oui, certes, mais l’est-il tant que cela ? Bien sur, dans cette réalité alternative, tout le monde roule en Dacia Orange, on est obligé de montrer sa carte de fidélité à la caisse, les poireaux sont des armes mortelles, le même flic fait à la fois le « good cop » et le « bad cop » (réduction d’effectifs), on cherche des traducteurs de lozériens ou les journalistes jouent à « Jacques a dit » lors de leur de leur micros-trottoirs. Mais dans cette réalité alternative, les réseaux sociaux sont prompts à se muer en procureurs, les émissions de débats intellos à la TV brassent de l’air, les complotistes voient la main des juifs dans tout ce qui arrivent, les amalgames vont bon train, on presse tout le monde de prendre parti, si possible avec outrance, etc… Alors « Zaï Zaï Zaï Zaï », c’est de l’absurde, mais pas que… Je ne connais pas la bande dessinée de Fabrice Caro (mais du coup j’ai très envie de la lire !), je ne peux pas juger de la fidélité du film. Tout ce que je connais de Fabrice Caro c’est deux de ses romans que j’ai beaucoup aimé et dans lesquels on retrouve aussi ce genre de folie douce mais qui ne se contente pas d’être juste absurde. Bien entendu, il est difficile de parler d’intrigue à proprement parler avec cette comédie, commencée dans le « What The F… » le plus total, elle ne peut que continuer sur cette voie pour finir dans le même ton. Mais la cavale de Fabrice et ce qui arrive ensuite ne sont pas qu’une partie géante de Kamoulox, « Zaï Zaï Zaï Zaï », en jouant sur l’absurde puissance 1000, met en lumière l’absurdité bien réelle de certaines bêtises bien réelles : Voire la main du Mossad sur tout et n’importe quoi est largement aussi stupide que menacer un vigile avec un poireau, et pourtant… En noyant dans un océan de folie douce quelques petites vérités bien sentie, Vincent Desagnat et au-delà de lui Fabrice Caro nous proposent un film qui n’est pas seulement une grosse comédie avec des gros sabots. Si on n’est pas allergique à cet humour très particulier, et si la bande annonce complètement dingo vous fait rire, pourquoi se priver de « Zaï Zaï Zaï Zaï »