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Un point c'est (pas) tout

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Critique cinéma : OSS 117, Alerte Rouge en Afrique Noire

Publié par Christelle Point sur 8 Août 2021, 15:22pm

De retour d’Afghanistan où il a été séquestré par l’Armée Rouge, OSS 117 est envoyé en Afrique Noire avec une double mission : empêcher la rébellion de renverser Kodjo Sabawe Bamba (un dictateur ami de la France giscardienne) et retrouver OSS 1001, un jeune blanc bec porté disparu qui lui a fait très mauvaise impression lors de leur première rencontre. Hubert sait qu’il va devoir marcher sur des œufs en Afrique, le sol est miné et les susceptibilités à fleur de peau. Mais OSS 117 reste Hubert Bonisseur de la Barth, un homme confi dans ses certitudes misogynes et racistes, un homme vieillissant qui ne voit pas le monde changer.

Le troisième volet des aventures d’Hubert Bonnisseur de la Barth était très attendu, et pour cause, les deux premiers volets avaient mis la barre tellement haute ! Michel Hazanavicuis ayant décliné l’offre, c’est Nicolas Bedos qui reprend la franchise. La réalisation, c’est le seul paramètre qui change, le scénariste est toujours Jean-François Halin et c’est toujours Jean Dujardin qui incarne le délicieux et horripilant OSS 117. Bedos garde les fondamentaux, c'est-à-dire qu’il joue autant qu’il peut le faire avec les films de l’époque qu’il parodie. Le générique Gaumont est d’époque (il faut avoir plus de 40 ans pour le remarquer), le générique de début est largement inspiré des James Bond des années 80, les transitions sont toujours les mêmes (fondus enchainés, partition de l’écran, large place aux clichés et aux facilités), et la musique calée sur les films de séries B des années 70 (un tout petit peu plus disco que les opus précédents, donc…). En ayant gardé tous ces fondamentaux, Bedos y rajoute sa patte, plus de scènes d’action, moins de second degré sans doute, et puis un petit quelque chose de difficile à expliquer. Il y a dans « OSS 117, Alerte Rouge en Afrique noire » quelque chose qui lui ressemble et qui était moins prégnant dans les deux films précédents, une sorte de cynisme un peu désespéré. C’est léger, c’est un peu comme une petite touche mais ca donne au film une sorte d’ambiance plus acide. C’est comme si Bedos était plus dur avec OSS, comme si par moment il le jugeait. Il y a d’ailleurs une scène où OSS 1001 dit à 117 toutes les vérités crues que personne n’ose lui dire. Une telle scène était impensable dans les films précédents. Le film est bien rythmé, sans doute un tout petit peu trop long mais difficile de lui reprocher quoi que ce soit d’autre dans la forme. Nicolas Bedos respecte les codes, il apporte sa touche (et il faut l’accepter) mais ne se loupe pas comme j’ai pu le lire ici ou là. Le scénario campe l’action en 1981, tout juste avant l’élection de François Mitterrand. Nous sommes en pleine Guerre Froide, les Russes sont en Afghanistan et la Francafrique a quasiment pignon sur rue. C’est la fin d’un monde, et Hubert est issu de ce monde qui s’apprête à disparaitre. Il parle encore de nazis comme au bon vieux temps, les affres de la Guerre Froide, de la Décolonisation, tout cela est un peu trop compliqué par sa psyché. Lui, il lui faut un ennemi bien identifié et des situations claires. Il a les anciennes méthodes, les anciens réflexes mais tout cela ne fonctionne plus. L’affubler d’un jeune OSS moderne, sexy, branché et entreprenant lui donne un sérieux coup de vieux, et c’est à mes yeux surement la meilleure idée du scénario. Voir OSS 1001 atterré par celui qu’il mettait sur un piédestal, regardant Hubert comme on regarde son père quand il nous fait honte, c’est ce qui fonctionne le mieux dans le film. Hubert, de son côté, à quelques problèmes disons… mécaniques et il n’a visiblement pas réglé la question très embarrassante de son homosexualité refoulée. Il ne court plus aussi vite, mais il lui reste encore quelques bons conseils un peu à donner. Au milieu de la logorrhée paternaliste (« Rase toi », « Coupe toi les cheveux » et « Habile toi en costard »), dans ce qui est sans doute la meilleure scène, celle du crocodile, il en donne un judicieux (le seul) à OSS 1001…qui ne l’écoute pas. Sur le fond, faire entrer Bonisseur de la Barth dans les méandres de la Francafrique est sans doute le pari le plus audacieux des trois films, tant la question est encore délicate aujourd’hui. Le néocolonialisme, l’influence de l’URSS, la corruption, tout cela est attaqué de front par le scénario. Mais ici, contrairement à d’habitude, OSS ne règle rien, au contraire… S’il avait pris l’habitude de faire la Bien sans le faire exprès, ici il fait le Mal sans le vouloir. C’est sans doute là le pessimisme que j’évoquais plus haut, OSS 117 est ici le gardien zélé d’une posture néocoloniale détestable, c’est très cynique, surtout quand on connait le capital sympathie du personnage. Et on est à deux doigt d’être gêné aux entournures et presque mal à l’aide par le dénouement de cette troisième aventure, décidément bien moins légère qu’au Caire ou qu’à Rio. En réalité, même si certaines cènes sont drôles, même si certaines répliques sont bien senties, voire assez subversives même quand on y pense, on rit beaucoup moins avec cet OSS vieillissant et dépassé qu’on l’a tous espéré en entrant dans la salle. Et c’est peut-être là le point d’achoppement du film, on n’y trouve pas exactement ce qu’on est venu y chercher, il y un tout petit peu tromperie sur la marchandise : cet OSS là ne nous plus autant rire, il est devenu plus pathétique que décalé. Pourtant, Jean Dujardin fait le job, ce n’est pas lui qui est en cause, ni Pierre Niney non plus, épatant en jeune OSS 1001. Les seconds rôles sont excellents aussi, Natacha Lindinger incarne la femme moderne qu’Hubert ne peut plus satisfaire, Fatou N’Diaye donne corps à une rebelle idéaliste (trop sans doute), les femmes de ce nouveau volet sont plus rétives au charme d’Hubert, il va s’en rendre douloureusement compte. « OSS 117, Alerte Rouge en Afrique Noire » n’est pas le OSS espéré, sans doute l’attente était-elle trop forte. Mais ce n’est pas non plus le ratage évoqué par certains médias toujours prompts à la critique sans nuance, snobinarde et cruelle de tout ce qui peut apparaitre comme populaire.

La bande annonce de "OSS 117, Alerte Rouge en Afrique Noire"

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