A la toute fin du deuxième tome de la saga, « Le nouveau Nom », le rapport de force entre Lena et Lila s’était carrément renversé. Lena la suiveuse, la besogneuse, récoltait enfin le fruit de ses effort alors que l’affrontée Lila payait (cher) elle le prix de son impétuosité. C’est dans cette configuration que « Celle qui fuit et celle qui reste » débute. Or la relation entre les deux filles ressemble à une forme de vases communiquant, quand l’une « baisse », l’autre « s’élève » et inversement. Aujourd’hui trentenaire, Lena est écrivaine, fiancée à un beau parti alors que Lila travaille dans une usine de charcuterie pour quelques lires et vit avec un homme tout en élevant le fils d’un autre. Le troisième tome est l’occasion d’un nouveau chassé croisé, clairement plus orienté sur Lena que sur Lila (logique, puisque c’est elle qui raconte). Celle qui est restée à Naples, Lila, se trouve une nouvelle vie dans le monde de l’informatique balbutiant des années 70, et si socialement elle remonte la pente, grâce à son seul talent, elle semble aussi se fourvoyer en acceptant ce qu’elle s’était toujours refusé à faire : travailler pour la Camorra. Ses décisions, toujours aussi insondables, son caractère toujours si entier et difficile à cerner, pourrait lui causer grand tort mais étrangement, on s’en fait moins pour elle que pour celle qui a fuit, Lena. Mariée et très (trop) vite mère de famille, incapable de produire un second roman, en bisbille permanent avec sa famille, Lena est malheureuse, seule et devient une proie facile pour les hommes et surtout un, Nino, qui revient hanter ses pensées et s’invite dans sa nouvelle vie tel un coucou. Ce qui se profile, et Elena Ferrante est habile sur ce coup là, c’est qu’on sent bien que Lena va reproduire ce que Lila avait fait la première, perdre la tête, perdre son statut social, perdre tout pour cet homme si peu fiable ! En éternelle suiveuse, ce qu’elle aura finalement été toute sa vie, elle commet les mêmes erreurs, fait les même choix que Lila, il suffisait juste d’attendre… J’aurais mis environ 1 tome et demi pour bien entrer dans cette saga et y prendre un vrai plaisir. Mais je sais pourquoi, je n’ai jamais été très à l’aise avec les romans sur l’enfance et le premier tome avait été un peu délicat à lire pour moi. J’ai entamé « Celle qui fuit et celle qui reste » juste après avoir terminé la saison 2 de la série, du coup, j’avais tout bien en tête, j’avais des visages à mettre sur des noms et j’ay ai clairement gagné en clarté et en compréhension. Le fin de ce troisième tome laisse entrevoir de gros bouleversent de part et d’autre. Ce qui arrive à Naples à la toute fin, loin d’être anecdotique, pourrait s’avérer dévastateur. Quant à Lena, on voudrait lui hurler à l’oreille de faire attention à elle car le chemin qu’elle choisit pourrait beaucoup lui en coûter. Ce troisième tome est aussi l’occasion d’un voyage dans l’Italie des années 70, celle des Brigades Rouges, de l’extrême gauche ultra violente, de la répression fascisante qui lui répond. On a l’impression que Mai 68 a réveillée un animal qui dormait (mal) depuis la fin de la Guerre. Une Italie en proie aux assassinats politiques, au terrorisme, mais aussi à la Mafia. C’est un éclairage qui peut-être, peut nous permettre de mieux comprendre l’Italie d’aujourd’hui et ses errements politiques. Ce troisième tome, largement à la hauteur de deuxième, nous permet d’espérer un épilogue passionnant.
Le coin des livres : L'Amie Prodigieuse - Celle qui fuit et celle qui reste
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