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Un point c'est (pas) tout

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Critique cinéma : La Daronne

Publié par Christelle Point sur 13 Septembre 2020, 14:53pm

Patience Portefeux est veuve et percluse de dettes. Son ancien mari lui a laissé une ardoise qu’elle a mis 15 ans à effacer, l’EHPAD de sa mère lui coute une fortune et pour réussir à gagner sa vie, elle s’est mise au service de la police. Parlant couramment l’arabe, elle sert d’interprète à la brigade des stups dirigé par Philippe, qu’elle fréquente en dehors du service. Au cours d’une enquête, elle comprend que le jeune dealer qu’elle écoute est le fils de l’aide soignante dévouée de sa mère. Sur un coup de tête, elle la prévient et le jeune se débarrasse fissa de son immense cargaison de cannabis. Germe alors dans l’esprit de Patience une idée : mettre la main sur la drogue et la revendre pour apurer ses dettes. Elle crée alors un personnage haut en couleur et se met en quête de revendeurs, de ce fait, elle devient « La Daronne », nouvelle cible du service dans lequel elle travaille toujours.

La nouvelle comédie policière de Jean-Paul Salomé est l’adaptation d’un polar de Hannelore Cayre (pas encore lu) et il met en scène Isabelle Huppert dans un rôle de composition. Elle, l’égérie de Claude Chabrol, plus habituée aux rôles de bourgeoise, la voilà dealant en arabe du cannabis, voilée et maquillé comme une voiture volée. Ce film, présenté sur l’affiche comme une comédie policière, tient plutôt bien la route, en grande partie grâce à un scénario solide et cohérent et à une interprétation de qualité. Parce que, honnêtement, le travail technique de Jean-Paul Salomé brille par sa sobriété. Son film est bien tenu, pas trop court pour bien développer son intrigue et ses seconds rôles, pas trop long pour ne pas lasser. Il ménage quelques scènes d’émotions (avec la mère mourante de Patience, qui perd doucement la raison) mais aussi quelques scènes de suspens, de traque policière et/ou de deal rondement menées. On ne s’ennuie pas, on sourit parfois, son film est équilibré et il fonctionne. On rentre immédiatement dans l’histoire, on reste bien dedans jusqu’à la scène finale, pas de temps morts, pas de scènes superflues, rien à redire. Isabelle Huppert donne corps à une Daronne étonnante, qui s’enhardie au fil des minutes, devenant de plus en plus téméraire, de plus en plus gourmande jusqu’à se faire peur. A ses côtés le trop rare Hyppolite Girardot incarne un commandant de police dont on se demande de plus en plus, et jusqu’à la fin, s’il soupçonne Patience et s’il la couvre ou pas. Ses regards, quand il est dans la même pièce qu’elle, sont souvent indéchiffrables. Cette ambigüité dans son personnage apporte beaucoup à l’intérêt du film. Et puis, il y a quelques seconds rôles bien croqués, notamment celui de Madame Fo, le syndic de l’immeuble de Patience, qui prend de l’épaisseur tout au long du film et qui contribue à l’essentiel des scènes les plus drôles. Le scénario de « La Daronne » est suffisamment clair, solide et cohérent pour qu’on comprenne tout et qu’on y prenne du plaisir. On se demande bien comment tout cela va finir pour cette femme embarquée dans une spirale criminelle qui menace de plus en plus de la broyer : prise en étau entre la police et les « propriétaires initiaux» de la drogue, elle joue perpétuellement les équilibristes sur une corde raide qui ne demande qu’à casser net. Bien sur, on peut trouver que Patience retrouve un peu vite la tonne de cannabis cachée en catastrophe par le jeune dealer (si elle la trouve elle, armée d’un chien et d’une carte routière, pourquoi la police n’utilise-t-elle pas exactement les mêmes méthodes ?), on peut trouver les deux revendeurs maladroits qu’elle emploie très (trop) caricaturaux, bien trop stupides pour prospérer dans le business. On peut trouver aussi l’enquête de police sur la Daronne un peu légère, parce qu’elle se cache mal quand même, véhiculant des kilos de cannabis dans des sacs de courses énormes et tout sauf discrets, ouvrant lesdits sacs en pleine rue et, comble de l’imprudence, se faisant véhiculer en permanence en taxi. Bref, il faut avoir un peu d’indulgence côté crédibilité car j’imagine mal un trafic aussi mal pensé prospérer au nez et à la barbe d’une brigade des stups ultra motivée et dotée de moyens techniques conséquents. Mais là où j’attendais un peu « La Daronne » au tournant, ce n’est pas sur la crédibilité du scénario (on est dans une comédie tout public, je ne me faisais pas trop d’illusions) mais plutôt sur les clichés qui se profilaient (surtout au vu de la bande annonce) et surtout la façon de les éviter. Jean-Paul Salomé, de ce point de vue, ne s’en sort pas trop mal, si on est un peu indulgent. La police n’est certes pas très efficace mais elle n’en sort pas trop caricaturée. Les dealers marocains, c’était déjà plus délicat… Le scénario est lui aussi sur la corde raide, les rendre crédibles sans verser dans un racisme qui aurait pu mettre très mal à l’aise était difficile. On va dire que là encore, c’est un numéro d’équilibriste qui tremble mais reste sur son fil. Quant à la communauté asiatique, elle aussi en prend un petit peu derrière les oreilles, communautaire, adepte de l’auto défense, spécialiste du blanchiment discret d’’argent sale, avec elle aussi le film marche sur des œufs et joue à se faire peur ! Comme on est dans une comédie, on enrobe le tout de répliques drôles, de personnages outranciers et le tour est joué. Le tour est joué ? Certes, mais de justesse… Et c’est bien parce qu’on passe un bon moment devant « La Daronne » qu’on a envie d’être indulgent. Le film est plus réussi que sa bande annonce ne le laissait supposer, sans être inoubliable, « la Daronne » nous embobine, grâce à son rythme enlevé, grâce à Isabelle Huppert et à un humour dosé comme il faut.

La bande annonce de "La Daronne"

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