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Un point c'est (pas) tout

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Blog sur tout ce qui rend la vie plus chouette...


Le coin des livres : Toutes blessent, la dernière tue

Publié par Christelle Point sur 29 Juillet 2019, 15:04pm

Tama n'a que 8 ans à peine lorsque orpheline de mère, elle et « vendue » par son père à une femme qui la ramène clandestinement en France. Contrairement à ce que cette femme a prétendue, elle n'emmène pas Tama pour lui offrir une vie meilleure, une éducation, mais pour l'exploiter. Elle place Tama dans des familles qui la font travailler gratuitement, la loge dans des conditions innommables, la battent, voire pire encore… Sans papier, sans existence légale, Tama qui ne sait ni lire ni écrire n'a aucun moyen de se défendre ni aucune perspective, seulement subir et subir encore. A l'autre bout de la France, Gabriel a la cinquantaine solitaire, c'est un homme violent qui a du sang sur les mains. Un jour, il découvre une jeune maghrébine sérieusement blessée et armée chez lui : qui est elle ? Et que faire d'elle ? Le gros roman de Karine Giebel est une plongée dans l'enfer de l'esclavage moderne, celui d’aujourd’hui, celui de l'autre côté de la porte, chez le voisin. Il faut s’accrocher pour accompagner Tama et son cortège incessant de brimades, de coups, d’humiliation et de déception, la pauvre gamine n'a pas de chance, elle ne tombe que sur des personnes ignobles et lorsque cela ne semble pas être le cas, la vie se charge de la ramener illico du côté noir. Il y a quelque chose de presque répétitif dans cette succession de malheurs, et très vite, on se dit que tout cela ne peut pas finir autrement que mal, surtout quand on connaît Karine Giebel ! Le récit est croisé avec l'histoire de Gabriel, qui semble en apparence n'avoir rien à voir sauf qu'on devine bien vite que les chapitres « Gabriel » ont un lien temporel avec l'histoire de Tama, qui elle se déroule chronologiquement, les deux intrigues se rejoignent, à 20 chapitres de la fin, pour le meilleur et pour surtout le pire. Comme d'habitude chez Giebel, c'est un roman d'une noirceur infinie, presque plombante par moment, mais c'est écrit avec tellement d'intensité qu'on vient à bout de ce gros pavé presque sans s'en rendre compte : on espère, on est révolté, ulcéré, écœuré par le destin de Tama et par ce monde où ignominie règne, où les pauvres exploitent les encore plus pauvres, où les hommes amoureux ont la main leste, où les amitiés se trahissent, où la parole donnée à si peu de valeur. Ce n'est pas mon roman préféré de Karine Giebel mais c'est à coup sur un roman noir inoubliable, qui laisse sonné, presque désemparé après la dernière page. Elle explore de nouveau ses thèmes favoris : l’emprisonnement, les rapports de force, la rédemption de ceux qui ont choisi la mauvaise route. Après avoir refermé cet énorme pavé, on ne peut pas s'empêcher de se demander s'il y a des Tama quelque part, non loin, enfermée dans des cagibis, qui dorment à même le sol et mangent les restes des repas de leurs bourreaux ?! Avec « Toutes blessent, la dernière tue », Giebel jette une lumière crue et presque insoutenable sur une réalité mal connue, et sûrement sous-estimée, à deux pas de chez nous, peut-être même chez le voisin ! Rien que pour cette raison, ce roman doit être lu et partagé.

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