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Un point c'est (pas) tout

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Le coin des livres : Laëtitia ou la fin des Hommes

Publié par Christelle Point sur 20 Avril 2018, 08:51am

Avec « Laëtitia », le sociologue Ivan Jablonka s’inscrit dans la même démarche que celle de Morgan Sportes lorsqu’il publie « Tout, tout de suite », c'est-à-dire qu’il décortique un fait divers pour dénicher ce qui est caché derrière, ce que ce fait divers montre de la psychologie humaine mais aussi de la société et de la politique. C’est un exercice particulier dans le sens où l’on n’écrit pas une fiction mais on décrit, avec le recul nécessaire, un fait divers sordide et il faut le faire sans complaisance, sans voyeurisme et avec une vraie hauteur de vue, l’exercice est périlleux. Jablonka nous raconte l’avant drame, l’histoire courte mais terrifiante d’une gamine de 19 ans cernée de toute part par la violence des hommes qui manipulent, violent, frappent et finalement tuent les femmes. Que ce soit dans la cellule familiale, la famille d’accueil ou bien dans une mauvaise rencontre finale, Laëtitia n’a connu que des rapports de force. En alternance avec cette enfance et cette adolescente terrifiante, Jablonka raconte l’après drame, l’enquête, la procédure, le dévouement des  gendarmes, la célérité et le tact du juge d’instruction, mais aussi l’ignominieuse récupération politique que le Président de la République de l’époque fera du crime dés les premières heures de l’enquête. Jablonka est extrêmement dur avec cet homme politique que je n’ai même pas besoin de nommer, et avec raison. Lorsque l’on se comporte en charognard, on ne mérite que d’être traité comme tel. L’avant et l’après se rejoignent à la fin du livre pour les derniers chapitres, ceux de la soirée tragique du 18 janvier 2011 où Laetitia, qui n’est plus elle-même pour une raison qu’on ne connaitre jamais, croise la route de Tony Meilhon. Comme tous les autres hommes qu’elle aura croisé,  il ne lui apportera que de la manipulation et de la violence, sauf que lui l’étranglera avant de la couper en 6 morceaux et de la jeter dans des sacs poubelles. Il y a dans le livre de Jablonka une sorte de fatalisme, comme si la vie n’avait laissé à cette jeune femme aucune chance dés le départ. Je n’ai pas peur de le dire, « Laetitia » est un très grand livre, inoubliable, percutant et presque d’utilité publique. « Laetitia  ou la fin des Hommes », c’est son véritable titre, parce que au-delà d’un récit de fait divers, au-delà d’une enquête de police et d’une procédure de justice, ce livre donne des clefs sur cette société patriarcale qui n’en finit pas de mourir, sur cette société où les Hommes prennent, disposent, imposent et où les Femmes cèdent, subissent et parfois meurent. Ce n’est pas un livre féministe, c’est beaucoup plus que cela, c’est une leçon de sociologie appliquée, sérieuse mais parfaitement accessible. C’est un livre coup de poing qui, à travers le calvaire d’une gamine de 19 ans, en dit tellement sur nous même et sur la société dans laquelle nous vivons que, quand le livre se termine, on en a presque la tête qui tourne.

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