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Un point c'est (pas) tout

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Critique cinéma : Dans la Brume

Publié par Christelle Point sur 8 Avril 2018, 15:14pm

S’il y a bien un genre dans lequel le cinéma français ne s’aventure quasiment jamais, c’est celui de la dystopie (je frime un peu car ce mot, je ne le connais pas depuis longtemps et je suis contente de pouvoir le placer !) et du film fantastico-horrifique. Faute de moyen mais surtout par peur du ridicule face au cinéma américain, le cinéma français reste 99% du temps dans sa zone de confort. Et bien, « Dans la brume » est un film qui sort de la zone de confort, qui ose un scénario audacieux et qui se donne les moyens de ses ambitions. On pourrait reprocher au film de Daniel Roby deux-trois petites choses, mais surement pas son manque de courage et d’audace.

 

Les parents de Sarah vivent séparés, et Sarah, adolescente, vit séparée du monde entier. Victime d’une maladie génétique visiblement en pleine expansion, elle vit depuis sa naissance dans un container qui filtre l’air, et dont elle ne peut sortir. Ses parents on construit leur vie autour de sa maladie, et c’est surement cela qui a conduit à leur séparation. Un jour, un séisme secoue la capitale et une brume très dense et toxique se répand dans les rues à partir du sous-sol. Cette brume inconnue tue en quelques minutes les 2/3 de la population. Mathieu et Anna, les parents de Sarah, se réfugient au dernier étage de leur immeuble et laisse Sarah à l’abri dans son caisson. Coupés du monde, sans explication, sans issue, ils tentent de s’organiser pour renouveler la batterie du caisson et ainsi maintenir leur fille en vie et rester en vie eux même. Mais c’est sans compter la brume, qui ne se dissipe pas le moins du monde, au contraire, elle monte lentement vers le dernier étage.

 

Epatant et sacrément gonflé, voilà les deux adjectifs qui viennent à l’esprit à l’issu de la séance de cinéma. Daniel Roby nous offre un film étonnant, et étonnamment bien fichu. Assez court (moins de 90mn) mais d’une densité totale, « Dans la Brume » fait peu de « gras », il démarre vite, ménage un suspens qui ne faiblit quasiment pas jusqu’à une fin pleine d’ironie, et qui tombe bien. Techniquement, les scènes de « catastrophe » et les scènes de suspens qui lui succèdent sont bien troussées, visiblement Daniel Roby a eu les moyens de ses ambitions en termes de décor, d’effets spéciaux, de figuration. Et il s’est aussi donné les moyens de produire un film efficace, avec une musique adaptée et qui accompagne l’action sans la parasiter. Pas de scènes larmoyantes qui durent, pas de long discours creux comme on en a souvent dans les films catastrophes, pas de rebondissements improbables. Les quelques scènes d’action qui se déroulent dans la fameuse brume (avec le chien, ou dans le laboratoire) sont filmées comme il faut, sans en faire des tonnes mais sans sacrifier non plus à l’efficacité. Pas grand-chose à redire sur la forme, décidément, « Dans la Brume » signe les débuts d’un cinéaste très prometteur et qui n’a pas froid aux yeux, ce dont le cinéma français manque cruellement. C’est soigné, c'est très professionnel sans être racoleur, c’est maitrisé, en un mot : c’est réussi. Il faut dire que Daniel Roby a un atout majeur dans sa manche : son casting. Resserré autour de 5 personnages, il s’est offert les services d’un comédien que moi j’aime beaucoup, Romain Duris. Ici, dans le rôle de Mathieu, il a un vrai rôle d’action pour exprimer son talent, physiquement il donne beaucoup (et il prend assez cher !), émotionnellement il a aussi pas mal de choses à exprimer, « Dans la Brume » lui offre un rôle différent de ce à quoi il est habitué et il n’est pas pour rien dans la bonne impression laissée par le film. A ses côtés, Olga Kurylenko prouve qu’elle n’est pas juste une jolie comédienne mais aussi une actrice capable d’incarner un rôle difficile avec une sobriété bien dosée. Et puis, on remarquera la présence du Michel Robin, épatant de délicatesse et qui trouve le moyen d’apporter deux-trois touches d’humour dans un film ultra anxiogène. Le scénario de « Dans la brume » part d’un postulat inexplicable et (espérons-le) peu crédible : une brume se répand dans Paris (mais aussi ailleurs peut-être, on ne saura rien de plus), elle tue tout et tout le monde, à l’exception de quelques chiens, on ne sait pas d’où elle vient, et si elle se dispersera un jour : en attendant elle monte encore. Placer dans cette situation une famille avec un gamine très malade, au début, on se dit que c’est « le coup de la ventoline ». C’est une expression que j’ai inventé pour dire que généralement, dans les films catastrophe, le héros a toujours un gamin malade (asthme, diabète…) et qu’il oublie ou perd son traitement en route. Un grand classique, comme si devoir survivre ne suffisait pas, il faut aussi se coltiner le gamin malade ! Donc là, au début, on se dit que la maladie de Sarah est là pour créer de la tension, du suspens, des situations un peu pathos. C’est vrai, mais pas seulement, et c’est là que le scénario monte d’un cran pour ouvrir sur autre chose, qui n’est jamais clairement expliqué ou formulé, mais qui se dessine grâce à une fin ironique. Là où le scénario est malin, c’est qu’il ne tente aucune explication sur ladite brume, l’action se focalise sur Mathieu, Anna, Sarah et ses deux charmants voisins, et ne tente pas de s’aventurer au-delà. Ce qui se passe au-delà ne sera évoqué qu’à travers des jumelles, et c’est suffisamment flippant pour qu’on en reste là ! L’inexplicable n’est jamais expliqué, ce n’est ni de la facilité, ni de la frustration, c’est juste un parti-pris qui se défends et que moi, je trouve intéressant et efficace. Quand on regarde un film catastrophe américain type « Sans Andreas » (je prends volontairement un des plus mauvais), on sait que le postulat de départ est ultra-crédible et pourtant on ne croit quasiment à rien de ce qu’on voit à l’écran ! Devant « Dans la Brume », c’est l’inverse, le postulat de départ est improbable et pourtant, on croit à tout, on marche dans l’intrigue, au point même de ne pas voir deux-trois indices laissés ça et là par le scénario sur cette fin qui nous cueille comme une fleur ! On peut éventuellement trouver que le film en fait un peu trop sur quelques points (le personnage de Mathieu n’est pas épargné et pourtant il se relève encore et encore), que quelques scènes tombent un peu à plat, que parfois ça tire un tout petit peu en longueur mais honnêtement, c’est « peanuts » au regard de la très bonne impression générale laissée par le film de Daniel Roby. « Dans la Brume » est un film étonnant, avec une vraie personnalité, plein d’audace. Sorti en salle sans tambours ni trompettes, avec une promo discrète, il mérite un bon bouche-à-oreille, et avec cette critique j’espère y contribuer un peu.

 

La bande annonce de "Dans la Brume"

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S
J'ai trouvé que c'était un très bon film, moi qui suis si peu friande des films français. J'ai trouvé au contraire que le film distille quelques indices sur la catastrophe, assez pour nous mettre la puce à l'oreille sur ce qui se passe (dans le monde entier d'après ce que j'ai compris), mais il faudrait que je le reregarde pour mieux voir ! <br /> Tout en mystère et en élégance, français quoi :p
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