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Un point c'est (pas) tout

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Critique cinéma : La Mécanique de l'Ombre

Publié par Christelle Point sur 15 Janvier 2017, 16:30pm

Duval (on ne connaitra jamais son prénom) était un comptable rigoureux, travailleur et consciencieux, il travaillait dans une compagnie d’assurance, il avait une compagne. Et puis, Duval a fait un burn-out et s’est retrouvé seul, au chômage et empêtré dans des problèmes d’alcool. Après deux ans à chercher vainement un emploi, il est contacté par un homme mystérieux, Clément. Contre une rémunération en liquide plus que généreuse, Clément lui demande de transcrire des écoutes téléphoniques 9h/jour, sans en parler à personne, sans poser de questions. Duval accepte et commence son fastidieux travail de dactylographie. Ce qu’il est amené à retranscrire est ouvertement illégal : écoutes de journalistes, d’entrepreneurs, d’hommes politiques, de cabinets ministériels, voire de magistrats. Duval s’exécute en mettant ses scrupules dans sa poche, mais un jour ce qu’il entend sur la bande lui fait froid dans le dos. Dés lors, sans qu’il ait fait quoi que ce soit pour, il se retrouve au cœur d’un bras de fer politico-policier dont il pourrait bien être la principale victime.

Un bon thriller des familles, bien ramassé, avec un scénario à la fois créatif et crédible et bien mis en scène, bref, un thriller moderne, voilà ce que j’attendais de « La mécanique de l’ombre ». Je ne connais pas le réalisateur Thomas Kruithof, et pour cause, sa filmographie est minimaliste et il s’agit, sauf erreur, de son premier long-métrage. Mais je sais que le polar français, et au-delà de ça le thriller français, sont en plein renouveau, débarrassés de leurs complexes, n’hésitant plus à oser mettre en scène avec rythme des sujets brulants, parfois même polémiques. « La mécanique de l’ombre », de ce point de vue, ne déçoit pas. Il y a de l’idée dans la réalisation de Kruithof, avec des vraies bonnes trouvailles : des gros plans intéressants, une utilisation de l’ombre et de la lumière intelligente, une musique appropriée et bien placée, et surtout une obsession pour les endroits déserts : les autoroutes vides de voitures, les centre commerciaux déserts, les stades vides, les appartements abandonnés, l’Esplanade de la Défense complètement vide (ce qui ne doit jamais arriver, même le samedi ou le dimanche !). En vérité, Thomas Kruithof mise sur ces idées pour poser une atmosphère, une ambiance et ça fonctionne. Ici, pas de cascade (juste une, très courte), peu de scènes de violences (mais elles n’ont pas besoin d’être nombreuses pour être efficace, au contraire), pas d’effets spéciaux, tout est dans le feutré, le dissimulé, l’intimidation en costume-cravate et à mots couverts. A ce petit jeu, des 4 acteurs en tête d’affiche, c’est surtout François Cluzet et Denis Podalydes qui s’en sortent le mieux, sans vouloir manquer de respect ni à Simon Abkarian (dont le rôle est plus « brut de décoffrage ») ni à Samy Bouajila, dont l’apparition dans l’intrigue est un peu trop tardive pour qu’il surpasse les deux ténors. Juste par le regard et le ton, Podalydes glace le sang et Cluzet incarne la panique grandissante du type pris dans un engrenage qui le dépasse complètement et qui va inexorablement le broyer. C’est le propre des grands acteurs, faire passer toutes les émotions sans en faire des tonnes ! Le scénario de « la mécanique de l’ombre » se met en place assez lentement, au début on est dans un brouillard qui va doucement, très doucement se dissiper. Qui est ce Clément qui possède des écoutes téléphoniques de ce type ? Des écoutes téléphoniques où il est question d’otages français à l’étranger, d’élections présidentielles imminentes, d’anciens ministres de Kadhafi qui négocie avec les preneurs d’otages, des écoutes téléphoniques qui vont jusqu’à toucher la DGSI elle-même. Pas besoin d’être devin, en tant que spectateur pour comprendre qui, en France, peut se targuer d’écouter jusqu’à la DGSI. En fait, le pourquoi du comment peut se deviner assez vite si on est perspicace et observateur. Mais le scénario est malin, il nous enfume un petit peu, nous endors presque avec cette atmosphère de secret et on se laisse emmener par le bout du nez jusqu’à une conclusion qu’on aurait pu deviner très vite tout seul. Comme on dit dans ces cas là, « Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existés est purement fortuite », sauf que toute cette affaire d’otages nous en rappelle d’autres, ce candidat au slogan si « patriote » nous en rappelle un autre et le cynisme de Clément à la fin du film, au moment où tout se dénoue, il sonne carrément juste. Toutes les « affaires » qui ont été mises au jour ces dernières années, toutes ces collusions avérées entre certains dirigeants et des intermédiaires, des hauts fonctionnaires de la police, tout ce qui remplit les pages de Médiapart donne du grain à moudre aux scénaristes d’aujourd’hui et donnent une certaine crédibilité, pour ne pas dire une crédibilité certaine, à leurs intrigues, mêmes tordues, même bien poisseuses. Malgré toutes ces bonnes intentions, ce scénario crédible, ce casting impeccable et cette réalisation soignée et prometteuse pour un premier film, « La mécanique de l’ombre » se laisse suivre sans déplaisir mais accuse quelques faiblesses. Le film ne dure que 90 minutes et pourtant, il semble se trainer un peu par moment, le passage avec Gerfaut est le vrai trou d’air du film, il dénote un peu. C’est ce passage, un peu trop « barbouze », un peu trop « à l’ancienne » auquel on croit le moins, au final. D’ailleurs ce personnage, qui arrive comme un cheveu dans la soupe dans la vie de Duval, est porteur d’une violence qui ne colle pas avec le reste du film, même si c’est expliqué et justifié ensuite. Et puis, on peut s’interroger aussi sur la pertinence du personnage de Sarah, infirmière rencontrée aux AA et qui incarne une possibilité de rédemption possible pour Duval. Cette petite histoire parallèle, même si elle finira par se heurter à la grande, ne trouve jamais vraiment sa place dans un scénario globalement très noir et très cynique. Mais « La mécanique de l’ombre » est une mécanique de film d’espionnage qui fonctionne malgré ses petits défauts, à condition d’être réceptif à une ambiance aux antipodes d’un « Jason Bourne » !

Les dix premières minutes du film, qui n’ont rien à voir avec l’intrigue et qui montre les circonstances dans lesquelles un employé modèle et consciencieux craque sous la pression sont très réussie et, je trouve, très angoissantes. Et je me suis surprise à penser que le burn-out, ce mal si moderne et si douloureux, est un sujet de scénario encore trop inexploité. Pour l’instant, à quelques exceptions près (« De bon matin »), c’est davantage un détail, une caractéristique d’un personnage, ou un point de départ. Pour un sujet si fort, c’est dommage…

 

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19566228&cfilm=242588.html

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