« HHhH » c’est quoi ? C’est quand même le titre de livre le plus intriguant de ma bibliothèque ! En fait « HHhH » signifie ceci : « Himmler Hirn heiβt Heydrich » (traduction : Le cerveau d’Himmler s’appelle Heydrich »). Etant donné qu’Himmler était l’âme damnée d’Hitler, ça vous donne idée de quel de genre de personne qu’était Reynald Heinrich, dit « Le boucher de Prague ». En 1942, au pire de la guerre, deux résistants venus de Londres, un tchèque et un slovaque, vont mettre en place et exécuter l’attentat le plus audacieux de la Seconde Guerre Mondiale : tuer Reynald Heinrich, un des plus hauts gradés de la SS, en pleine rue, en plein jour. Un coup d’éclat pour cracher à la face du IIIème Reich devant les yeux du monde entier. Pour montrer que ce pays, la Tchécoslovaquie, écrabouillée par Hitler en 1939, existe encore dans le cœur de ses habitants. Laurent Binet, par ses origines, se passionne pour cet attentat et entreprend de le raconter, en dressant le portrait et le parcours de la « victime » et des résistants, jusqu’à ce point de rencontre fatal, au détour d’une rue de Prague. Cet épisode de la Seconde Guerre Mondiale, que modestement je dois reconnaitre je ne connaissais pas, est raconté sous une forme particulière, mais qui finit par fonctionner vraiment bien une fois qu’on est habitué. En fait, Laurent Binet se raconte en train d’écrire son roman, il s’interroge sur ce qu’il doit dire, ce qu’il doit éluder, il fait des recherches historiques qui lui apprennent des choses ou lui infirme ce qu’il croyait savoir. C’est un peu « le livre dans le livre » (comme Lola Lafon l’avait fait pour « La petite communiste qui ne souriait jamais »). Laurent Binet n’est pas historien, il s’affranchit donc des règles de l’historien qui exige une analyse la plus froide et dénuée de jugement possible sur un fait historique. Lui n’hésite pas à donner son opinion, il ne cache pas son mépris pour les uns, ni son admiration pour les autres. Toute la première partie est consacrée à Heydrich, son histoire, son parcours. On apprend des choses, grâce à ses petites digressions (l’origine des sudètes), et l’on assiste aux premières loges au démantèlement de la Tchécoslovaquie sous les yeux lâches des alliés. Puis vient le tour des deux résistants, leur séjour à Londres, leur saut en parachute sur site, la préparation du forfait et finalement, l’attentat lui-même, décrit dans un long chapitre comme un film d’action au ralenti. Les suites des l’attentat, pour les auteurs comme pour le reste de la population tchécoslovaque, seront terribles, entre héroïsme et massacre de masse (l’horreur de Lidice). La lecture de « HHhH » confirme la bonne impression laissée par le style de Laurent Binet avec « Rien ne se passe comme prévu », c’est facile à lire, ça n’est pas dénué d’humour, c’est très documenté, plein d’émotion aussi. « « HHhH » est un moyen littéraire pour entrer dans l’Histoire de la Seconde Guerre Mondiale, pour ceux que l’Histoire rebute ça peut être une bonne idée. Pour moi, c’est un excellent roman historique, au style bien démarqué, et c’est un hommage plein d’émotion à deux résistants comme il y en a eu tant dans toute l’Europe, deux héros trop méconnus.