La première question à se poser lorsqu’on va voir le nouveau « Star Wars » au cinéma, c’est « Quand sommes-nous ? ». La saga de George Lucas est quand même la plus chronologiquement tordue de l’histoire de cinéma ! « Rogue One : A star Wars Story » est un épisode 3,5, c'est-à-dire qu’il se situe entre le volume 3 « La revanche des Sith » et le volume 4 « Un Nouvel Espoir », soit entre le film n°6 et le film n°1… Ce n’est pas clair ? Bon, je vais faire plus simple. Dans le film de 1977, la Princesse Leïla explique au jeune Skywalker qu’il y a moyen de détruire l’Etoile Noire car « Des combattants très courageux ont donnés leur vie pour qu’on ait les plans de cette arme » (de mémoire…). Et bien, « Rogue One », c’est l’histoire de cette phrase.
Galen Erso est l’ingénieur qui a pensé et mis au point l’Etoile Noire, cette arme absolue qui servira à l’Empire pour asseoir définitivement son pouvoir absolu, une arme capable de raser des villes et de détruire des planètes entières en quelques secondes. Il a été contraint de travailler sur cette arme, l’Empire ne lui ayant pas vraiment laissé le choix. 15 ans après son enrôlement de force, alors que l’arme est quasiment au point, sa fille Jyn est contactée par la rébellion. La jeune femme n’est pas très engagée contre l’Empire, mais elle doit servir d’intermédiaire pour contacter son père qui a laissé entendre, par l’intermédiaire d’un déserteur, qu’il avait piégé l’Etoile Noire pour qu’elle s’autodétruise. Enrôlée aussi un peu malgré elle, mais par la rébellion, Jyn va vite comprendre qu’elle est la seule à pouvoir mettre la main sur les plans de l’arme et trouver la faille que la rébellion pourrait exploiter.
C’est la deuxième fois qu’un épisode de la saga « Star Wars » est laissé aux mains d’un autre réalisateur que George Lucas. Cette fois-ci, c’est Gareth Edwards II qui a les clefs de la grosse machine. Ce réalisateur anglais de blockbusters a pris la parti de donner une couleur plus sombre à son opus, tant dans la forme que dans le fond. On s’est définitivement éloigné du côté presque artisanal des premiers épisodes, avec ses jolis costumes bien propres et ses décors aseptisés, et franchement, c’est tant mieux. L’épisode 3,5 de la saga respire la saleté et la poussière, la sueur et les larmes, ce qui en fait un film de science fiction moderne. Les décors sont toujours aussi impressionnants, les nouveaux mondes créés pour l’occasion sur les différentes planètes nous offrent des spectacles différents selon qu’il s’agit de bases rebelles (qui ressemblent à d’antiques civilisations humaines comme Petra ou à Chichen Itza) ou des bases de l’Empire (faites de bétons et d’acier, implantés dans comme des verrues dans des paysages naturels). Tout est impressionnant, et tout est l’occasion d’effets spéciaux très réussis, avec pour point d’orgue la destruction de la vieille base des Jedi, objet d’un tir d’essai de l’Etoile Noire. Point de vue rythme il n’y a pas grand-chose à redire, peu de temps morts, peu de trous d’air et de dialogues superflus, c’est fait pour nous immerger dans une autre réalité pendant plus de 2h et force est de constater que c’est très efficace. Gareth Edwards II s’offre le luxe de se démarquer de la franchise en zappant le texte défilant de générique de début au profit d’un pré-générique (ce que les puristes ne lui pardonneront pas facilement !), il n’utilise la musique de John Williams que très épisodiquement, mais à des moments inévitables comme pour la première apparition de Dark Vador (pourrait on imaginer une autre musique que la « marche impériale » dans ce cas là ? Soyons sérieux…). Gareth Edwards, dont je connais mal le travail, maîtrise son film, lui donne une couleur « Star Wars » tout en y ajoutant sa patte personnelle, c’était un pari difficile (JJ Abrams la sait bien) mais il le réussit haut-la-main. Son casting est cosmopolite comme il convient en 2016 (là encore, on est dans une modernité assumée) : une femme en tête (Felicity Jones, très bien, très jolie et qui arrive bien à trouver le ton qu’il faut pour se couler dans la saga) suivi par des garçons de toutes les origines pour ne fâcher personne : Diego Luna (craquant), Donnie Yen, Riz Ahmed, etc. Seul le rôle de Saw Gerrera tenu par Forest Whitaker m’a semblé trop peu et mal écrit, difficile à cerner et peu exploité, comme s’il fallait absolument créer un rôle pour un guest très connu. A part lui, il n’y a pas de grandes stars dans « Rogue One » (encore une bonne idée), pas de grandes star mais des personnages emblématiques faisant le lien entre l’épisode 3 (Jimmy Smith) et l’épisode 4 (C3PO, R2D2, la princesse Leïa, et bien entendu Dark Vador) et ce sont des stars, à leur manière. Il parait qu’on peut voir « Rogue One : A Star Wars Story » sans rien connaitre de la saga. Je veux bien, même si j’ai un peu de mal à concevoir qu’on ait pu rester totalement en dehors d’une saga qui dure depuis bientôt 40 ans. Le scénario se suffit à lui-même, il n’est pas très compliqué à comprendre (voler les plans d’une l’arme pour pouvoir la détruire), les gentils et les méchants sont plutôt bien identifiés et la structure du film, sans flash back, sans astuces scénaristiques, sans coups de théâtres improbables, en fait un film accessible à tous, même aux plus jeunes. En tant que cinéphile on s’en trouve quand même un poil frustré ! Il y a plein de scènes de combats, de fuite, de combats aériens, c’est un passage obligé et même si l’affrontement final tire un peu en longueur, ça fonctionne. Cependant, on peu lire le film à un autre niveau, voir dans les atermoiements d’une rébellion démocratique (« si nous ne sommes pas tous d’accord, nous n’attaquons pas ») face à un pouvoir fort et sans scrupule une illustration des problèmes géopolitiques d’aujourd’hui. On peut aussi y voir une allégorie de la fin de la République Romaine face à un pouvoir qui se centralise s’incarne dans un Empereur. On peu lire le scénario avec une autre grille de lecture que la grille purement SF et c’est ce qui a toujours fait la force de la saga, et aussi sa faiblesse parfois lorsque ça a été trop souligné (« la menace fantôme »). J’ajoute qu’il y a un peu d’humour dans « Rogue One », par l’intermédiaire d’un robot (K2) qui parle trop et qui donne des baffes ( !), c’est toujours appréciable, un film qui sait ne pas trop se prendre au sérieux. La fin de « Rogue One » est douce amère, mélange de larmes et d’espoir comme il se devait, une autre fin aurait été inenvisageable et ridicule. En résumé « Rogue One : A Star Wars Story » est un épisode un peu à part mais qui est loin d’être le gadget ou le produit dérivé qu’on aurait pu craindre. Il se cale bien dans la série, lui donne une noirceur et un pessimisme qui n’est pas sans rappeler « L’Empire contre attaque », ce qui est quand même une très belle référence.
Alors pourquoi « Rogue One » vous demandez-vous, ce qui signifie « Voyou » selon Google ? Ben oui, moi aussi je me suis posé cette question et la réponse, toute bête, arrive à la fin du deuxième tiers du film. Et je ne vous la donnerai pas puisque vous allez tous aller voir le film en salle pendant les vacances de Noël !
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