Critique cinéma : L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet

Derrière ce titre à rallonge (et pas franchement engageant, je le reconnais) se cache le dernier film de Jean-Pierre Jeunet. Jean-Pierre Jeunet, je lui dois sans doute quelques unes de mes plus belles émotions de cinéma, en particulier avec « Un long dimanche de fiançailles » que je considère comme un des plus beau film jamais produit par le cinéma fiançais. J’aime beaucoup sa façon de raconter de belles histoires, sa narration très décalée, ses personnages hauts en couleurs alors… Hors de question de rater son nouveau film !

TS Spivet est un petit garçon de 10 ans surdoué et passionné de science. Il grandit dans un ranch du Montana au milieu d’une famille un peu inhabituelle. Son père est un cow boy à l’ancienne, sa mère une entomologiste passionnée, sa grande sœur une adolescente rêveuse et un peu revêche et son frère jumeau un casse-cou, tout son contraire. La mort accidentelle de ce dernier perturbe gravement TS qui se sent particulièrement responsable. Aussi, lorsque que le Smithsonian Institute lui décerne une récompense pour une de ses inventions (sans savoir qu’il s’agit d’un garçonnet), il décide de quitter cette famille dans laquelle il se sent si seul pour se rendre par ses propres moyens à Washington. Et ainsi commence un extravagant voyage à travers les USA vers le Smithsonian Institute.

Visuellement, « l’extravagant voyage du jeune et prodigieux TS Spivet » frôle la perfection. Ce voyage à travers l’Amérique comme on la rêve avec ses paysages sublimes, ses trucks rutilants, ses buildings immenses est d’abord un bonheur total pour les yeux. Vue avec des lunettes 3D (pour ce genre de films, il faut choisir la 3D si on le peut), cette Amérique de carte postale là fait toujours autant rêver, rien à faire… Jean-Pierre Jeunet joue avec la 3D comme il a toujours aimé joué avec les belles images (la scène du colibri, magnifique) et le soin qu’il a apporté à son film de ce point de vue est impressionnant. Sans faire d’esbroufe et sans abuser des effets spéciaux, il rend une copie presque parfaite et digne de sa filmographie. Bénéficiant d’un casting soigné, avec une mention spéciale au jeune Kyle Catlett, qui porte le film sur ses toutes petites épaules et qui le fait admirablement bien, « l’extravagant voyage du jeune et prodigieux TS Spivet » fait passer un délicieux moment de cinéma. Au-delà de l’histoire touchante d’un petit garçon qui traverse les USA par ses propres moyens (ingénieux, voir la scène du feu rouge !), c’est surtout l’histoire toute simple d’un petit garçon à la recherche de la rédemption et de l’amour de ses parents. Il y a en effet deux voyages pour TS, le vrai qui l’amène à faire des rencontres et le pousse au-delà de ses limites, et son voyage intérieur qui le ramènera où est sa vraie place (qu’il croit avoir quitté), dans le cœur de ses parents et de sa sœur. Emaillé de dialogues décalés et souvent drôles et incongrus, le film perd peut-être un peu de son dynamisme et de son charme dés que TS arrive à Washington. Cette dernière partie est légèrement en deçà de reste du film, les personnages y sont plus cyniques, le propos un peu plus superficiel, l’effet comique fonctionne moins bien au point de parfois tomber presque à plat. Le personnage de l’administratrice de l’Institut n’est pas le plus réussi alors qu’il est pourtant omniprésent dans la dernière partie. Mais la réalisation (reconnaissable au premier coup d’œil) inventive de Jeunet, pleine de clins d’œil, continue d’enchanter ceux qui, comme moi, la trouve rafraichissante et presque… magique. Il n’y a pas dans « l’extravagant voyage du jeune et prodigieux TS Spivet » de message lourd ou de pathos inutile. Jeunet n’est pas obsédé par le réalisme des histoires qu’il raconte : on n’y croit pas un seconde, à ce jeune garçon qui fugue et traverse seul les USA d’ouest en est sans faire de mauvaises rencontre et sans avoir toutes les polices aux trousses, pas plus qu’on ne croyait aux aventures du boucher de « Delicatessen » ou aux stratagèmes d’Amélie Poulain. Mais qu’importe, ce qui compte avec Jeunet, c’est de charmer le spectateur, de lui raconter une belle histoire, de l’enchanter... La magie de Jeunet à sur moi un effet légèrement euphorisant très agréable dont j’aurais eu bien tort de me priver !

« L’extravagant voyage du jeune et prodigieux TS Spivet » illustre parfaitement ce sentiment bien connu, celui de se sentir seul au monde alors même qu’on est entouré d’amour, mais qu’on est beaucoup trop triste pour le voir et le ressentir. Dans ce sens au moins, ce film devrait parler à beaucoup d’entre nous. Et comme il est très grand public, il est très possible d’y emmener les enfants (à la place du dernier dessin animé à la mode), ce serait même un choix assez judicieux, je trouve…

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