Le film d’Arnaud Desplechin (dont je m’empresse de dire que je ne suis pas du tout une connaisseuse) est assurément un film français ambitieux. Pas parce qu’il a été tourné aux USA et en anglais avec des grands acteurs internationaux au casting. Non ce n’est pas cela un film ambitieux. Un film ambitieux au sens où je l’entends, c’est un film qui s’attache à un sujet complexe et original et qui essaie de le faire sans céder à la facilité ou aux poncifs.
1948 dans le Middle West, Jimmy Picard est un indien Blackfoot qui a combattu en France et qui a été blessé au crâne. Depuis, il souffre de migraines, de perte d’audition et de cécité temporaires. Les médecins militaires ne lui trouvent rien de pathologique et ne s’expliquent pas l’état inquiétant de leur patient. Ils font donc alors appel à un thérapeute français, connaisseur et passionné des indiens qui va tenter une « ethno-thérapie », persuadé qu’il est que la clé de la souffrance de Jimmy réside davantage dans ce qu’il est plutôt que dans ce qu’il a subit.
Autant le dire d’emblée pour ne tromper personne, « Jimmy P. » est un film exigeant qui peut en perdre beaucoup en cours de route. On ressent vite une vraie empathie pour ce grand gaillard en souffrance qu’est James Picard, parfaitement incarné par un Benicio Del Toro qui fait passer énormément de sentiments juste dans le regard. On est très vite charmé aussi par ce thérapeute français plein d’attention pour son patient. Mathieu Amalric parle anglais avec un accent français à couper au couteau qui est assez drôle à l’oreille. Alors qu’ils n’ont absolument rien en commun, ils vont nouer au fil des séances une amitié très sincère, très simple, très touchante aussi. Alors évidemment, c’est un film bavard (en même temps, une psychothérapie ne peut pas se faire autrement s’en parlant !) où il y des redites, des digressions dont on ne sent pas vraiment l’intérêt sur le moment. Les rêves un peu oniriques de Jimmy sont mis en image, ce qui peut laisser le spectateur un peu perplexe. Les seconds rôles sont assez peu écrits alors qu’il y aurait peut-être eu matière. Et puis le « nœud » du problème de Jimmy n’est ni spectaculaire, ni époustouflant, il n’y a pas de grand traumatisme qui expliquerait tout, c’est une somme de petits nœuds entremêlés. Du coup, tout sonne très vrai, certes, mais çà ne rend pas forcément le film très accessible au plus grand nombre ! Le film est long, presque 2h et à mon sens, c’est trop pour un film aussi exigeant. Il y a des longueurs et on est tenté à plusieurs reprises de regarder sa montre, ce qui n’est pas très bon signe ! Personnellement j’aurais aimé que le scénario appuie un peu plus sur le traumatisme collectif que Jimmy porte dans ses veines, celui du peuple indien et de ce qu’il a subit. Ce thème est effleuré à plusieurs reprises, illustré par exemple par la condescendance avec laquelle les « blancs » d’adressent à Jimmy (la banquière qui lui demande s’il sait écrire, alors qu’elle ne poserait jamais cette question à un blanc !), et on sent qu’il s’agit d’une composante du problème de Jimmy. Je m’attendais à ce que soit presque une clef de son traumatisme alors que c’est juste, au final, présenté comme un aspect du problème parmi les autres. Mais une fois tous ces bémols soulignés, je veux quand même dire que « Jimmy P. » est un film optimiste malgré tout, sur la guérison, sur l’acceptation de soi et aussi sur l’amitié. C’est un film qui mérite qu’on y porte une attention, et auquel on sera forcément sensible si on croit fermement, comme moi, au pouvoir de la parole et au poids des mots dans l’acception de soi.
Bon, je vous concède que pour un dimanche après-midi ensoleillé, ce n’est peut-être pas le film idéal, celui-là ne « vide pas la tête », ce serait même plutôt le contraire ! Je l’imagine mal être programmé en prime time un dimanche soir sur une grande chaîne de TV. Mais on n’est pas toujours obligé de céder à la facilité, n’est ce pas ?
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